Souffrance n «Ce n'est pas ma faute si je suis née sous x. Mes parents ont commis la bêtise et doivent avoir refait respectivement leur vie alors que moi je suis en train de payer maintenant.» Après avoir lancé ce cri de révolte, Assia, 34 ans, affirme détenir des informations sur sa vraie mère, mais elle a peur de la rechercher. Sous son apparence de fille rude et de garçon manqué, se cache une jeune fille gentille au cœur brisé. Même sa famille adoptive de Boufarik lui a mené la vie dure après le décès de sa mère adoptive qu'elle aimait tant. «J'avais 11 ans. J'ai eu l'examen de 6e mais mes frères et sœurs m'ont empêchée de poursuivre mes études ou de faire un stage, alors j'ai fugué sans me rendre compte de ce que je faisais à mon âge, pour me retrouver violée par un jeune et sauvée heureusement par la police.» C'est à partir de là que l'engrenage commence : «j'ai été recasée dans une famille d'accueil qui m'a exploitée comme femme de ménage. En contrepartie, on me donnait à manger et j'avais une place où dormir.» Accusée de vol, Assia dit avoir quitté cette famille en 2003 pour s'installer dans le centre d'accueil de Zeghara (Bab El-oued) où elle est restée durant 15 jours avant d'aller travailler dans une autre famille à Baïnem puis aux Sources. «j'ai quitté cette famille parce que je suis devenue violente et je ne supportais plus les gens de peur d'être accusée encore une fois. J'avais une vraie phobie des personnes», nous déclare-t-elle. Une année après, Assia est revenue au centre. C'était en 2005. Puis elle a trouvé un emploi, selon elle, chez une famille aisée à Hydra. «les riches n'éprouvent que de l'indifférence pour les pauvres. Je me sentais perdue chaque jour davantage. J'avais vraiment peur. alors j'ai pris la décision de venir au Centre de Bou Ismaïl dont j'avais entendu parler. Je ne suis pas du tout prête pour le mariage. Je pense surtout à un stage, un emploi et un métier stable…», ajoute-t-elle. Assia ne peut s'empêcher de soupirer : «ma soi-disant famille n'a jamais demandé après moi.» Contrairement à Assia, cette autre pupille de l'Etat refuse catégoriquement de nous raconter son histoire en nous lançant : «allez voir l'administration, elle sait tout sur nous. el-houkouma doit nous aider. J'ai peur de me retrouver dans la rue. Vous ne pouvez comprendre notre souffrance. C'est notre sort. La famille de Miliana qui m'a adoptée n'a pas eu peur de Dieu, elle n'avait pas honte, je suis contre la violence et certaines femmes sont violentes envers moi. J'ai été hébergée au Samu avant de venir ici», ne cessait de nous répéter la jeune dame, la trentaine, sans nous permettre d'en savoir plus sur elle, «allez voir l'administration, vous aurez tous les renseignements nous concernant», dit-elle encore. Des femmes nous diront qu'elles aussi suivaient des séances thérapeutiques chez un psychologue. l Le centre national pour femmes victimes de violence et en situation de détresse de Bou-Ismaïl a ouvert ses portes le 18 octobre 1998 pour la prise en charge psychologique, médicale et sociale des femmes en difficulté, victimes du terrorisme, de viol, sans familles, des mères célibataires, des SDF. Il a pour objectif leur insertion socioprofessionnelle. Ce centre, d'une capacité d'accueil de 24 places, propose aux pensionnaires des formations en informatique, couture, broderie, peinture sur soie, sport et cours d'alphabétisation. Au mois de mars 2007, ce centre a accueilli 35 femmes dont une victime du terrorisme, 25 en situation difficile, 6 mères célibataires et 3 SDF. Hors du centre, certaines pensionnaires, selon la direction, bénéficient de formations pour leur insertion socioprofessionnelle. Une pensionnaire est en formation d'aide sociale à Birkhadem, trois autres dans le centre de formation professionnelle de Koléa pour la couture dont une au centre de Corso. 3 autres pensionnaires suivent des cours d'alphabétisation et 5 apprennent la pâtisserie et la cuisine. Elles sont trois à travailler dont deux dans le cadre du filet social et une chez un privé. En 1999, le centre avait accueilli 68 pensionnaires dont 21 victimes du terrorisme. Le nombre s'élevait à 136 en 2000 et 2001 pour atteindre les 219 l'année écoulée. 53 d'entre elles ont regagné leur domicile cette même année, 52 ont été placées chez des familles ou familles de leurs maris, 43 autres ont été suivies hors du centre, 2 ont bénéficié de logement social, 5 autres ont travaillé dans le cadre du filet social.