Outre la demande de dissolution, le tribunal a été saisi par le procureur en chef de la cour de cassation d'une requête d'interdiction de toute appartenance à un parti politique pendant cinq ans à l'encontre du Premier ministre Tayyip Erdogan, du président Abdullah Gül et de 69 autres dirigeants du parti. La justice turque est même tentée d'interdire le parti islamiste au pouvoir. La Cour constitutionnelle a entamé, hier, ses délibérations sur la demande sa dissolution, accusé “d'atteinte au principe de la laïcité”. L'affaire n'est pas inédite dans le pays d'Atatürk mais elle pose problème dès lors que l'AKP dirige le gouvernement et que le président de la République est également un des siens, c'est le bras droit d'Erdogan. Les islamistes de Turquie et ceux de pays qui piaffent d'impatience pour imposer à leur société le modèle Erdogan, attendent avec nervosité le verdict des juges. La Turquie est, par ailleurs, plongé depuis mars dans un climat d'incertitude politique et économique. Les audiences se sont ouvertes un contexte tendu, au lendemain d'un double attentat qui a fait 15 morts à Istanbul. D'aucuns se demandent s'il n'y pas lieu d'établir un lien entre la recrudescence du terrorisme et la menace de déclarer hors la loi l'AKP. Il reste que les islamistes ne sont pas arrivés à mobiliser leurs militants contre la procédure judiciaire. Seule une poignée de Turcs était sortie samedi à Ankara à l'appel d'Erdogan contre “le coup d'Etat en préparation”. Ce rassemblement sonore est l'unique mobilisation observée à la veille d'une étape décisive, le procès contre l'AKP entrant dans sa phase finale : la Cour constitutionnelle doit, en effet, se prononcer sur la demande de fermeture du parti au pouvoir, accusé par le procureur en chef de la cour de cassation de constituer “un foyer d'activités antilaïques”. Outre la demande de dissolution, le tribunal a été saisi par le procureur en chef de la cour de cassation d'une requête d'interdiction de toute appartenance à un parti politique pendant cinq ans à l'encontre du Premier ministre Tayyip Erdogan, du président Abdullah Gül, et de 69 autres dirigeants du parti. La cour peut cependant estimer que le Parti de la justice et du développement n'est pas coupable et prononcer un non-lieu. Et les islamistes se tiendront pour avertis, leur marge de manœuvre sera rétrécie. Dans cette hypothèse inverse, la cour se contentera d'un avertissement accompagné d'une amende. La dissolution d'un parti populaire qui a remporté près de la moitié des voix lors des élections législatives de juillet 2007 n'irait pas sans difficultés au plan politique et pourrait entraver la lente progression de la Turquie dans le processus d'adhésion à l'Union européenne. Bruxelles l'a déjà fait savoir. Dans le cas contraire, l'AKP sera dissous, ce qui entraînerait la chute du gouvernement et la tenue d'élections législatives anticipées, probablement en novembre. Les députés islamistes devront faire leurs adieux à leur parti et former un nouveau cette fois-ci “indépendant”. Pour la plupart des observateurs, la convocation d'élections législatives anticipées est le scénario le plus probable. La dissolution doit obtenir l'aval de sept des onze juges de la plus haute instance judiciaire de Turquie pour être effective. Erdogan a fait son mea-culpa, reconnaissant que les islamistes ont trop tiré sur la corde. La décision de son gouvernement de lever l'interdiction du voile à l'université en janvier a suscité une levée de boucliers avant d'être invalidée par la cour constitutionnelle en juin. La justice turque a interdit par le passé une vingtaine de formations politiques au motif qu'elles portaient atteinte à la laïcité ou parce qu'elles étaient soupçonnées de soutenir la rébellion kurde. L'AKP est issu d'un parti interdit par la justice en 2001. D. Bouatta