Il y a bien longtemps, une méchante marâtre chassa les deux enfants de son mari. La fille était l'aînée et le garçon le cadet. Ils s'en allèrent par les routes. Ils entrèrent dans un pays, sortirent d'un pays, entrèrent dans un pays, sortirent d'un pays... Sans destination précise, ils marchèrent longtemps, se nourrissant de plantes et de racines. Un soir, dans la forêt, ils trouvèrent un animal sur lequel ils montèrent car ils étaient très fatigués. Ils crurent que c'était un âne alors que c'était une hyène. Soudain, la fille qui veillait sur son cadet s'en aperçut. Effrayée, elle chuchota à l'oreille de son frère : — Mon frère, fils de ma mère ! (c'est ainsi qu'elle l'appelait par tendresse) nous sommes perdus, ce n'est pas un âne mais une hyène que nous montons. Elle nous emporte pour nous dévorer. Chut ! laisse-moi faire. Elle descendit tout doucement et posa à sa place, sur le dos de la bête, une grosse pierre. Ensuite, elle fit descendre son frère et le remplaça aussi par une autre pierre. L'hyène, sentant le poids sur son dos continua sa route et les enfants se sauvèrent. De bon matin, ils arrivèrent près d'une ferme entourée de nombreuses tentes. La fillette trouva du travail et resta là avec son petit frère. Quelques jours plus tard, elle obtint quelques vieilles bandes de flij (toile en poil de chèvre) et quelques toiles usées pour fabriquer sa propre petite tente. Elle monta ainsi une modeste Assa (petite tente) et se mit à creuser la terre à l'emplacement de la cheminée pour installer le kanoun où devait brûler le feu de leur premier repas. Après quelques coups de pioche, la fillette sentit une résistance. Elle insista, creusa et découvrit un monceau de louis d'or. Elle se hâta de le cacher et garda le secret. Elle garnit le foyer de trois pierres, alluma le feu pour le dîner et ajusta son couscoussier. Et le temps passa : vient un jour et part un jour, vient un jour et part un jour... La fillette continuait à travailler à la ferme et son frère grandissait. Un jour, elle lui demanda : — Mon frère, fils de ma mère ! dis-moi : si jamais je te donnais une pièce d'or, qu'en ferais-tu ? — Je me rendrai au souk et j'achèterai un lance-pierre pour moi et un autre pour toi. Ainsi, nous irons chasser le moineau, répondit-il tout joyeux. — Oh ! Mon frère, le fils de ma mère, n'est pas encore mûr, soupira la jeune fille qui continua à garder le secret sur l'or découvert. Elle travaillait dur à la ferme. Elle égrenait le blé, le moulait, tamisait la semoule, roulait le couscous, pétrissait le pain et réalisait de nombreux travaux de tissage. En retour, elle était payée de semoule, de lait, de beurre et nourrissait son frère qui continuait à jouer. Quelques années après, elle redemanda à son frère : — Mon frère, fils de ma mère ! dis-moi : si jamais je te donnais une pièce d'or qu'en ferais-tu ? — Je me rendrai au souk acheter un cheval et un beau burnous pour me promener et chasser, lui répondit-il. — Oh ! Mon frère, le fils de ma mère, est encore jeune, pensa-t-elle encore. La vie reprit son cours et le temps passa. Des années s'écoulèrent avant que la jeune file n'interrogeât son frère devenu bien grand : — Mon frère, fils de ma mère ! dis-moi : si jamais je te donnais une pièce d'or, qu'en ferais-tu ? — Ma sœur, fille de ma mère ! J'irai au souk, j'achèterai une brebis qui mettra bas et une fois l'agneau sevré, je retournerai au souk le vendre. J'achèterai une autre brebis qui me donnera un autre agneau et ainsi, peu à peu, j'aurai un cheptel. Je deviendrai riche et je dirigerai toute une tribu. (à suivre...)