Un jeune garçon fort intelligent connaissait la formule magique pour entrer et voler la maison du trésor (beït el-mel). Il ne volait pas les pauvres gens, il ne volait que le Sultan ! Il vida la moitié de beït el-mel. Les gardes, fort nombreux, ne parvenaient pas à le surprendre et les voIs continuaient à leurs barbes. Cela les humiliait et provoquait les grandes colères du Sultan qui ne cessait de les traiter de «chiens, fils de chiens» et «d'incapables, fils d'incapables». Un jour, le Sultan à court d'idées pour capturer le voleur, conseilla à ses gardes de mettre du savon et de la glu par terre. Ainsi, selon lui, le voleur glisserait et irait se fixer dans le soI. Ses instructions furent appliquées. Or, ce subtil voleur avait un frère cadet qui était simple d'esprit, idiot même. Ce dernier pleura «dans le giron de sa mère» : — Oh ma mère ! Mon frère va toujours chercher de l'or et moi je n'ai rien ! Donne-moi son secret afin que je sois comme lui, riche et considéré. La mère, malgré les recommandations de son aîné, céda car elle était fort sensible et avait un penchant pour son cadet parce qu'il était simple d'esprit. Elle lui révéla le secret en y ajoutant de vaines recommandations. Pour son malheur, le pauvre idiot s'en alla commettre le vol le jour où les gardes avaient mis du savon et de la colle. Il pénétra dans beït el-mel en prononçant sa formule magique, et au premier pas qu'il fit, il glissa et se retrouva, debout, fixé dans la colle. On aurait dit qu'il était soudé au soI. Lorsque l'aîné apprit que son idiot de frère était aIlé chercher de l'or, il craignit le pire et courut le rejoindre. Il savait qu'une catastrophe se produirait et que toute la famille perdrait la vie. En effet, le Sultan avait juré de punir le voleur et tous ses proches sans exception s'il venait à s'en saisir. Le voleur arriva bien avant les gardes et trouva son frère debout les deux pieds figés. Il fallait faire vite, mais il ne parvint pas à le décoller. Il faut savoir qu'en ce temps-là, les gens simples marchaient les pieds nus car il faisait toujours beau. Le voleur était désespéré. Mais voilà que son frère lui dit : — Mon frère ! Je suis la cause de ce malheur. Il serait injuste que vous mouriez à cause de moi. Prends ton sabre, tranche-moi la tête et emporte-la. Ainsi personne ne saura qui je suis. L'aîné, malgré son chagrin, obéit à son cadet qu'il ne trouva finalement pas si idiot que cela. Il emporta la tête, l'enterra dans la cour et ferma portes et fenêtres afin que personne n'entendît les pleurs de la pauvre mère. Lorsque les gardes de beït el-mel arrivèrent sur les lieux, ils découvrirent un corps sans tête. Effrayés, ils s'en retournèrent alerter le Sultan : — Sidi ! Nous avons trouvé ! C'est une chose sans tête qui volait le trésor. Après avoir écouté leur récit, le Sultan jeta son turban par terre et hurla : — Chiens fils de chiens ! Incapables fils d'incapables ! C'est quelqu'un qui a coupé la tête du voleur. Cela signifie qu'il a un complice et que les vols vont continuer. Mais qu'ai-je fait au Bon Dieu pour avoir des gardes pareils ? Personne ne découvrant l'identité du voleur, le Sultan ordonna que l'on exposât dans la ville le corps sans tête et que l'on demandât à tous les habitants de passer devant. Celui qui serait de sa famille ne pourrait pas retenir ses émotions et ses pleurs. (à suivre...)