Résumé de la 1re partie n Schunk est allé voir Saint-Martin pour lui raconter le mystère de la relique qui ornait les murs du château de la famille royale qui l'avait achetée aux enchères… Il s'agissait de deux monuments superbes bien propres à exciter la hargne jacobine et la cupidité générale. Les urnes étaient supportées par des anges représentés pratiquement «grandeur nature» si tant est qu'on puisse connaître la taille exacte de ces messagers divins ! En tout cas, ces statues superbes signées de Coustou et de Sarrasin, étaient en argent doré. Mais revenons à notre amateur. Schunck accepte la version de Saint-Martin : «Petit-Radel, au moment de procéder aux opérations dont nous parIons, avait convié deux de ses amis à l'accompagner. J'étais l'un de ces amis, et l'autre était un peintre, comme moi, nommé Martin Drolling. Nous avons été enchantés de l'accompagner, car nous espérions bien, dans cette affaire, nous procurer de la momie. — De la momie ? — Oui, la momie est un mélange d'aromates qui sert à embaumer les corps, et plus particulièrement les viscères. C'est une sorte de pâte brun rouge, qui sèche très lentement. Les peintres en sont très amateurs car, mélangée aux couleurs, elle permet d'obtenir des glacis d'une transparence merveilleuse. — Mais ce doit être un produit rarissime ! — Hélas, oui. On en trouve qui provient du Moyen-Orient. Il s'agit de celle que fabriquent les embaumeurs juifs. Elle est faite d'aromates divers et de bitume de Judée. Inutile d'ajouter que celle qui parvient jusqu'à nos ateliers parisiens est fort rare, et fort chère. Alors, à la perspective d'en trouver une bonne quantité dont personne ne voudrait et qui serait gratuite, nous avons, toutes affaires cessantes, couru vers Saint-Denis…» Petit-Radel, raconte alors Saint-Martin, est habilité à ouvrir lui-même les urnes royales. Et, tel un marchand d'abats, il fait le grand seigneur avec ses amis : «Tiens, Saint-Martin, si tu veux, prends celui-ci : c'est le plus gros. Le propre cœur de Louis XIV !» «J'ai payé la somme qu'il me demandait. C'était une affaire. Petit-Radel a, quant à lui, empoché la plaque de l'urne de Louis XIV. Et puis, dans le mouvement, nous avons renouvelé l'opération. J'ai acheté aussi la momie de Louis XIII.» Saint-Martin aurait dû se souvenir du lieu précis où avait eu lieu la transaction. Mais il préférait l'oublier. Il évitait ainsi que la police de Louis XVIII, vingt-six ans après les faits, ne vienne lui chercher des poux dans la tête, pour profanation de sépulture... Drolling, quant à lui, s'était montré meilleur client encore que Saint-Martin. Il faut dire que sa spécialité était les scènes d'intérieur dans le style flamand, et particulièrement les clairs-obscurs «transparents». Il avait donc un bien plus grand besoin de momie que Saint-Martin. Il se porta acquéreur de onze cœurs royaux : ceux d'Anne d'Autriche, de Marie-Thérèse femme de Louis XIV, du duc et de la duchesse de Bourgogne, petits-enfants du grand roi. Il emporta encore le cœur de Madame Henriette, qui fit dire à Bossuet : «Madame se meurt, madame est morte !» Le Régent, sa mère la Palatine, Gaston d'Orléans le frère comploteur de Louis XIII, la grande Mademoiselle, qui espérait tant épouser son cousin : tout le monde se retrouva, c'est le cas de le dire, dans le même panier. DroIling en avait une telle provision qu'il lui faIlut une fois rentré chez lui, procéder à une conservation de sa momie. Il la broya, la malaxa, puis la mit en tubes. (à suivre...)