Alger est une ville de mâles qui peuvent se soulager debout contre un mur, un arbre ou dans les escaliers. Toutes choses que l'anatomie féminine ne permet pas. Plus que le nombre d'épouses autorisées dans le livret de famille, c'est celui des vespasiennes qui révèle la place exacte de la femme dans la société. Dans un garage du centre-ville où Nabil a un abonnement, il existe bien deux toilettes, dont l'une pour les femmes. Les pancartes, bien en vue, l'indiquent clairement. Un homme en pantalon, une femme en jupe permettent de ne pas se tromper et pour ceux qui n'auront pas encore compris au-dessus de chaque pictogramme, on a ajouté une inscription péremptoire : hommes-femmes. Juste un détail. La toilette des hommes est condamnée – pourquoi ? – et ces derniers se servent de celles des femmes. Question : les femmes possédant véhicules sont-elles interdites de toilettes ? Absolument pas. Sauf qu'elles ne s'y rendent pas. Ce sont, en général, des femmes du quartier qui parquent leur voiture dans ce garage et qui peuvent se retenir en attendant de regagner leur domicile. Les toilettes pour femmes deviennent celles des hommes par abandon de la gent féminine peu rassurée par la saleté repoussante des lieux sans parler des odeurs insupportables qui s'en dégagent. Depuis que la peur du Sida s'est répandue, une véritable paranoïa s'est propagée parmi les femmes qui ne veulent prendre aucun risque. Nacéra, une belle plante avec du caractère, ne se risque même plus dans des toilettes, fussent-elles celles d'un palace. Depuis l'avènement du portable avec son appareil-photo à 3 millions de pixels, elle a peur, depuis qu'elle a surpris une femme en train d'en photographier une autre à la dérobée, de se «retrouver sur internet» : «Pour me soulager, j'attends de rentrer à la maison» Sinon ? «Je souffre en silence.» Une curiosité : les toilettes de l'hotêl Safir (ex-Aletti), d'époque, sont encore en bon état.