Ambition n En devenant trésorier du roi, le pauvre paysan ne va-t-il pas brasser dans les coffres du royaume, décider des dépenses et régler, à sa guise, la vie du palais ? «La paix, même dans le dénuement est préférable à la richesse», dit l'adage populaire. A quoi bon les richesses quand on n'a pas la paix et qu'on vit dans la peur de les perdre ? On raconte qu'un homme très pauvre ne possédait qu'une terre qu'il travaillait. Il devait se lever à l'aube et ne se coucher qu'au crépuscule et c'est à peine s'il arrivait à nourrir sa famille. Mais il louait Dieu de n'être l'esclave de personne et de gagner son pain à la sueur de son front. Un jour, en labourant son champ, il découvre un trésor. Du jour au lendemain, sa situation change : il troque sa masure contre une belle maison, il achète les terres entourant son champ, il achète des boutiques, prend des associés… tout ce qu'il touche devient or et ses biens ne cessent d'augmenter. Des négociants étrangers viennent même le voir pour discuter avec lui d'affaires. Le souverain du pays où il habite le fait mander. Il le félicite pour son bon sens des affaires, puis lui dit : — J'ai appris comment tu as réussi à vaincre la pauvreté et, par ton intelligence, à devenir un homme puissant, j'ai su aussi que tu as su gérer tes affaires de main de maître. Aujourd'hui, j'ai besoin d'un homme comme toi, pour collecter les impôts et gérer mes finances. Les trésoriers que j'ai engagés se sont montrés incompétents, je compte sur toi pour redresser les finances du royaume ! L'homme est confus. — Je n'oserai pas… — C'est un ordre ! — Et si je refuse ? — Je te couperai la tête ! L'homme est terrifié, mais en même temps content : ne va-t-il pas devenir l'homme le plus puissant du pays, après le roi ? Ne va-t-il pas brasser dans les coffres du royaume, décidant des dépenses, réglant, à sa guise, la vie du palais ? Arrivé à la maison, il parle de la décision du roi à sa femme et à ses enfants. — Nous allons devenir des habitués de la cour ! La famille emménage au palais où elle va occuper un pavillon. Le nouveau trésorier, tout en s'occupant des finances du roi, continue à gérer ses propres affaires. L'argent afflue de partout. L'homme est comblé, mais il n'a plus un moment à lui. Il est sollicité de partout, il doit rester une grande partie de la nuit à veiller, faisant et refaisant ses comptes. Sa femme se plaint. — Pourquoi ne viens-tu pas dormir ? — J'ai encore du travail ! — Tu vas tomber malade… — Demain, je reçois des négociants qui viennent de l'étranger, j'étudie les propositions qu'ils me font… La pauvre femme soupire. — Je commence à regretter le temps où nous étions pauvres, mais heureux ! (à suivre...)