Retour Encore une fois, Nadia est chassée par son oncle et sa tante, à La Calle. Humiliée, elle décide de revenir à Mechroha, quoi que cela puisse lui coûter. Quand elle reprend ses esprits, elle se dit : «Mon Dieu, le voilà bien vivant», et, oubliant un moment sa situation, elle ressent un immense sentiment de tendresse pour ce petit être qui vit en elle, aussitôt suivi d?une grande pitié. «Mon enfant, songe-t-elle, du fond du c?ur, pardonne-moi, j?aurais tellement voulu que ton père soit là.» Et ce bébé qu?elle porte lui donne une force inconnue jusque-là, comme si elle n?était plus seule pour faire face à l?adversité. «Je vais me débrouiller et le garder, maintenant qu?il est là?» C?est d?un pas résolu qu?elle reprend sa valise et, sans un regard en arrière, elle ouvre la porte et la claque derrière elle. «Maman, c?est Nadia !», crie Mondjia, heureuse de revoir son aînée. Elle la débarrasse de sa petite valise, qu?elle va déposer dans leur chambre. Mebrouka, cachant mal sa surprise et son mécontentement accourt, les mains ouvertes où sont encore visibles les traces de pâte de la galette quotidienne. «Tu es revenue, Nadia? Sors, ordonne-t-elle à Mondjia. La fillette se retire à regret, en frappant du pied le sol dallé. ? Comment es-tu revenue ? Ils t?ont chassée ? ? Oui, ma, dit Nadia, en relevant la tête, et en la regardant pour la première fois dans les yeux, depuis l?annonce de la terrible nouvelle. Safia m?a insultée et m?a dit que j?avais ton sang indigne? ?La vipère, cette femme a toujours eu un c?ur de pierre ! Indigne elle-même et toute sa famille de "saharine". Elle a ensorcelé mon frère, sinon il ne serait pas resté avec elle. Et Mebrouka, les mains blanches de farine, lève les bras vers le ciel en regardant le plafond et s?exclame : ? Mon Dieu, vous qui n?oubliez personne, protégez-nous et faites qu?un jour un malheur pareil arrive à la fille de Safia et qu?elle ne trouve personne pour lui tendre la main. ? Qu?allons-nous faire, ma ? murmure Nadia, comme vengée. ? Va dans ta chambre et ne tourne pas trop devant ton père et ton frère, je vais réfléchir !» Et elle retourne à sa galette en murmurant : «Mon Dieu, viens-moi en aide !» Les trois jours que Nadia passe chez elle sont comme un bienfait accordé par la providence. L?attitude de sa mère la réconforte. Elle se repose, ne se montrant que quelques minutes en présence de sa famille, pour servir le repas ou le café, puis elle retourne à la cuisine, où elle s?absorbe longuement à faire la vaisselle. «Ta fille est toujours aussi pâle, dit son père. Elle a bien fait de revenir puisque la cousine de Safia est avec elle? C?est une brave fille qui ne se laisse pas faire, ta fille !» (à suivre...)