Maman chèvre avait deux petites filles, deux adorables chevrettes. L'une s'appelait Azza et l'autre Maâzouza. Maman chèvre devait partir chaque jour chercher de quoi manger. Elle leur recommandait d'être prudentes et de n'ouvrir la porte à personne pendant son absence. Au retour, pour se faire reconnaître, elle chantait : — Azza ou Maâzouza hallou l-beb rani jit Jeb el-hchich bin el-gron Jebt el-ma f-el-gargour Jebt el-hlib f-el-bzoul Azza et Maâzouza, ouvrez la porte, je suis là ! J'apporte de l'herbe entre les cornes ! J'apporte de l'eau dans la gorge ! J'apporte du lait dans les mamelles ! Les chevrettes, reconnaissant la douce voix de leur mère, ouvraient alors la porte. Mais le loup, qui épiait, avait entendu la chanson et l'avait apprise par cœur. Il s'était dit : — Lorsque la chèvre s'en ira, je chanterai devant la porte, les chevrettes m'ouvriront et je les dévorerai. Un jour, après le départ de la chèvre, il chanta de sa voix rauque : — Azza et Maâzouza, ouvrez la porte, je suis là ! J'ai de l'herbe entre les cornes ! J'ai de l'eau dans la gorge ! J'ai du lait dans les mamelles ! Les chevrettes, alertées par l'horrible voix, reconnurent le loup : — Ah non ! Tu n'es pas notre maman. Notre maman a une voix toute douce. Tu es le loup. Va-t-en. Nous ne t'ouvrirons pas. Le loup repartit en réfléchissant au moyen de modifier sa voix. — Il me faut une voix fluette pour manger les chevrettes, pensa-t-il en s'enfonçant dans la forêt. Soudain il se souvint du vieux sage qu'on appelait «Le Moudabar». Cet homme passait son temps à méditer dans les bois et conseillait ou éclairait les gens qui venaient de partout lui exposer leurs problèmes. Après l'avoir salué, le loup lui révéla le but de sa visite : — J'aimerais bien avoir une voix toute douce, une voix féminine. Que faut-il que je fasse pour cela ? Le Moudabar le conseilla aussitôt : — Tu n'as qu'à t'enduire la gorge de miel, ouvrir grand ta gueule près d'une ruche. Les abeilles butineront ta gorge. Leurs picotements et le miel t'adouciront la voix. Une fois le conseil saisi, le loup courut tout droit vers la ruche. Il badigeonna sa gorge de miel, se coucha par terre et ouvrit grand sa gueule. De nombreuses abeilles rentrèrent dans sa gorge et butinèrent longtemps. Le loup, qui ne rêvait que de la chair délicieuse des petites chevrettes, résista aux picotements. Enfin, il obtint une voix toute fluette. Il se rendit près de la maison des chevrettes et attendit que Maman Chèvre s'en aille. Dès qu'elle s'éloigna, il courut frapper à la porte en chantant de sa nouvelle voix : — Azza et Maâzouza, ouvrez la porte, je suis là ! J'ai de l'herbe entre les cornes ! J'ai de l'eau dans la gorge ! J'ai du lait dans les mamelles ! Les chevrettes crurent vraiment reconnaître leur maman. Elles ouvrirent la porte et le loup se jeta sur elles avec avidité. En une bouchée il les avala toutes les deux. Repu, le ventre gonflé, il se traîna jusqu'à la forêt où il s'endormit à l'ombre d'un arbre. (à suivre...)