Un jour, la fermière chargea Kadour l'Ane de transporter trois agneaux chez le berger qui faisait paître son troupeau sur la colline. Sachant que M'hamed le loup serait aux aguets, Kadour l'Ane promit de s'acquitter de sa tâche avec vigilance. En chemin, l'âne rencontra justement M'hamed el Dhib étalé sur la route, les quatre pattes en l'air et gémissant : — Aïe ! Aïe ! — Que t'arrive-t-il M'hamed ? demanda Kadour l'Ane. — Aïe, Aïe, j'ai la patte brisée, je ne peux plus faire un pas ! Laisse-moi monter sur ton dos ! — Je ne peux pas te faire confiance car je transporte des agneaux ! — Adieu ! Tu ne retrouveras plus que ma dépouille, car lorsque les bergers me rattraperont, ils me tueront ! L'âne eut pitié et l'invita à grimper sur son dos en lui faisant promettre de ne pas toucher aux agneaux. Le loup jura, pleura, remercia. A peine quelques mètres plus loin, il dévora le premier agneau et jeta ses os au loin. En entendant tomber les os, l'âne demanda : — Quel est ce bruit ? — Ce sont les bergers qui s'envoient des cailloux d'une colline à l'autre ! répliqua le traître. Il mangea le deuxième agneau et jeta ses os au loin. — Mais quel est donc ce bruit ? demanda à nouveau l'âne. — Ce sont les bergers qui s'envoient des cailloux d'une colline à l'autre ! Après le troisième agneau, l'âne n'eut pas le temps de réagir qu'il vit filer à toute vitesse M'hamed el Dhib. Trop tard, il venait d'être dupé. Le berger, mécontent, administra à Kadour l'Ane quelques coups de bâton bien cuisants. A chaque coup, Kadour criait : — Aïe, M'hamed, je jure que tu me le payeras ! Le temps passa et l'hiver arriva à grands pas. L'âne n'oublia ni la duperie ni la bastonnade. Un jour de disette, tôt le matin, il alla se poster devant l'entrée de la tanière du loup. Il se coucha sur le ventre les quatre pattes écartées, la queue en l'air. Il faisait le mort, le derrière grand ouvert. Zineb, la femme de M'hamed el Dhib, sortie chercher l'eau pour faire le café, découvrit l'âne devant chez elle. Quelle bonne surprise ! Quel festin ils allaient faire ! Elle s'en retourna vite réveiller son mari : — M'hamed ! Réveille-toi, Dieu nous a envoyé notre réserve pour l'hiver jusque devant la porte ! Hâte-toi ! M'hamed el Dhib sauta de son lit pour aller voir. Il mit sa tête hors de la tanière et vit le derrière de l'âne tout ouvert. Il jubila : — Miam ! Je vais commencer par les tripes, la panse et le foie, avant de découper le reste ! Pour se servir, il poussa sa tête avec avidité dans le trou naturel de Kadour l'Ane. Une fois la tête du loup bien rentrée, Kadour l'Ane contracta ses sphincters autour du cou de l'intrus et se releva avec vigueur avant de se mettre à galoper dans tout le village. La tête coincée, le corps pendant à l'extérieur de l'arrière-train, le loup fut longtemps promené à travers les rues afin que tous les animaux puissent observer le spectacle et rire de lui. Une fois la tournée terminée, Kadour l'Ane revint devant la maison du perfide et poussa fort pour l'éjecter comme un vulgaire pet. Zineb, toute honteuse, tira par les pattes son mari à moitié étouffé et le ramena jusqu'à son lit pour le soigner. Voilà comment Kadour l'Ane se vengea de M'hamed el Dhib qui se croyait le plus rusé. Elle est partie, je suis venue ! Elle est partie, je suis venue !