Aventure El-Hadja Chrifa passe de l?Algérie au Maroc, sans visa, sans argent, mais surtout sans problèmes. Ses 76 ans ne l?ont pas empêchée de dépasser les frontières, à Maghnia plus précisément, en une haraga de luxe, bravant les risques et le poids des ans. Témérité et audace comme seules recettes, El- Hadja ne se laisse pas érodée par les ans ni par la nostalgie d?une grande famille à laquelle elle doit rendre visite depuis la «déchirure», un certain jour du lointain 1963. Pour faire le pèlerinage jusqu?à Ahrif, une petite bourgade entre Berkane et Oujda, dans l?extrême Est du Maroc, El-Hadja n?a jamais eu recours au procédé officiel : l?avion et le visa puisque sans mari ? elle ne s?est jamais mariée? elle est sans le sou. Pour chaque traversée, l?aventure débute à Maghnia, une ville où l?audacieuse «exploratrice» possède une cousine qui lui sert, à chaque fois, de point d?attache pour le transit. Le téléphone cellulaire des passeurs aidant, il lui est très aisé d?en «commander» un qui la récupère directement chez sa cousine à bord d?une 505. Munie d?un sac plein de denrées alimentaires destinées à sa s?ur de Oujda. Une s?ur se trouvant terriblement dans le besoin. El-Hadja se trouve, malgré elle, au milieu d?une meute de contrebandiers qui doivent verser de l?argent pour avoir le carburant de la contrebande. Le passeur se pointe moins d?une heure à la maison. Les présentations entre El-Hadja l?aventurière et son passeur étant faites, l?aventure commence sur un mot et s?achève sur une moto. Un moyen, il est vrai, inhabituel, dangereux et inconfortable pour une vieille de 76 ans? Cette année, El-Hadja va fêter sa onzième traversée clandestine. Son record est d?autant plus impressionnant qu?elle n?a jamais eu des démêlées avec les gardes frontières. Seul le tarif du service l?embarrasse. Il est passé de 1500 à 5 000 DA, sans compter, évidemment, le «bakchich» qu?elle doit verser à un «tabor» (garde frontière) afin de lui assurer l?aller et le retour, effectués généralement la nuit, en usant de tous les stratagèmes pour tromper la vigilance des «gardiens du temple». Recevant son dû, le «tabor» prend le relais pour mener El-Hadja à destination à bord de sa vieille 504. Après quelques heures de folles pérégrinations, l?expédition arrive à bon port. La vieille sort de la voiture et frappe à la porte de sa s?ur à Oujda. 20 jours après, la vieille prend le téléphone et appelle ses amis pour l?opération retour. Une fois que tout finit bien, El-Hadja se souvient d?une belle prière de la femme du passeur marocain. Celle-ci a imploré Dieu pour que les frontières entre les deux pays restent fermées afin de subvenir aux besoins de sa famille.