Evocation n Le Théâtre national organise, demain jeudi, une soirée commémorative en hommage à la troupe artistique du FLN. Cette troupe a été créée, en 1958, par feu Mustapha Kateb, homme de théâtre, qui en a assuré la direction, pour dire, tout au long de son parcours, et cela jusqu'à l'indépendance, et à travers ses tournées dans différents pays comme les pays arabes ou comme la Chine, la Yougoslavie et l'ex-Urss, les souffrances du peuple algérien. C'est pour dire aussi l'Algérie en guerre. Lors de la soirée de jeudi, une vingtaine d'artistes encore en vie seront alors demain honorés lors d'une cérémonie. «Cette soirée sera également une occasion pour se rappeler de tous ceux qui, à l'instar de mustapha Kateb, Mohamed Zinet, Ahmed Wahbi ou Yahya Ben Mebrouk, ne sont plus parmi nous», ont déclaré les organisateurs, ajoutant : «La troupe artistique du FLN se constituait comme une représentation diplomatique populaire, puisqu'elle a représenté l'Algérie à l'étranger. Elle avait pour mission de faire connaître le combat du peuple algérien et de diffuser la parole et le discours du Front», ont déclaré les organisateurs. Et d'ajouter : «De nombreux artistes qui animaient la scène algéroise dans les années 1940, se retrouvèrent à Tunis. C'est le cas de Boualem Raïs, Mohamed Bouzidi, Saâdaoui Hamou, Brahimi Malika et bien d'autres.» Le 24 mai 1958, la troupe artistique du FLN donne sa première représentation au théâtre municipal de Tunis. Elle présente la pièce Vers la Lumière. Puis, et après une grande tournée en Tunisie, elle enchaîne plusieurs d'autres tournées en Libye, en Egypte, en Irak, au Maroc, en Yougoslavie, en Chine et dans l'ex-Urss. Plus tard, quatre ans après sa création et pendant quatre ans de tournée, la troupe artistique du FLN rentre définitivement en Algérie, le 20 mars 1962, au lendemain du cessez-le-feu, c'est-à-dire après la signature des accords d'Evian. La troupe artistique du FLN se composait de deux ensembles, celui consacré au théâtre et celui voué aux arts lyriques. Interrogé sur l'intérêt qu'apportait la troupe artistique du FLN, Ahmed Cheniki, universitaire et critique d'art dramatique, a souligné : «La troupe du FLN accordait un intérêt certain aux techniques théâtrales et apportait à l'art de la scène une sensibilité et une admirable originalité.» Car, a-t-il poursuivi, «il fallait décrire la tragédie du pays avec des mots, des images et des gestes simples, une véritable esthétique de combat.» Ahmed Cheniki a, ensuite, indiqué : «Les pièces produites durant la période 1958-1962 articulaient leur organisation autour d'un personnage collectif auquel quelques individus, acteurs récurrents et incontournables, donnaient vie et contenance. Le personnage fonctionnait comme un catalyseur d'une prise de conscience à assumer.» Ainsi, ce personnage qui revenait sur scène à chaque représentation que donnait la troupe artistique du FLN était évidemment, le peuple, vu les circonstances dans lesquelles les pièces étaient produites (elles étaient l'expression d'une réalité vécue par les Algériens, un témoignage vivant d'un peuple en lutte). «C'était le peuple qu'on voulait convoquer sur scène», a relevé Ahmed Cheniki, et à travers lequel il était question – c'en était d'ailleurs l'objectif – de faire connaître le combat des Algériens. Le théâtre devenait alors «un porte-parole attitré de la révolution». l La troupe artistique du FLN a renouvelé le fond et la forme du théâtre algérien Elle l'a révolutionné. «L'écriture théâtrale subissait, sous la pression des événements, une véritable métamorphose», a souligné Ahmed Cheniki. Et d'ajouter : «Ainsi, une rupture radicale avec la pratique théâtrale des années 1940 allait avoir lieu. Le politique se frayait un chemin sérieux dans la représentation artistique. «Les sujets abordés ne pouvaient qu'exprimer ce besoin de libération et d'émancipation. Les nécessités historiques imposaient la mise en œuvre d'un discours théâtral nouveau marqué par les sollicitudes et les réalités du combat», a-t-il poursuivi. Ahmed Cheniki, qui a expliqué que les tournées de la troupe participaient du projet politico-culturel du FLN, a, ensuite, souligné : «Le signe (théâtral) se muait en un espace de violence.» Ainsi, dans Les Enfants de La Casbah, Vers la lumière, El-Khalidoun (les éternels), «le ton est agressif, le verbe est violent, les gestes sont souvent très furtifs et rapides, le rythme saccadé». Et de reprendre : «Style heurté, mots lacérés, violence verbale, récit simple, personnages bien mis en évidence, telles sont les caractéristiques essentielles de ce théâtre de combat qui voulait exprimer sans rancune ni haine les souffrances et les douleurs du peuple algérien.» Les conditions historiques de l'époque imposaient en effet un nouveau discours théâtral. Elles le dirigeaient. Elles déterminaient le choix thématique comme elles mettaient en œuvre un nouvel imaginaire et une esthétique nouvelle. C'était une nécessité historique où la parole, traversée par des personnes qui, elles, sont marquées par les péripéties dramatiques, devenait souveraine. Cette parole véhiculait une sensibilité nouvelle.