Contre tous les orages, le jeune festival du théâtre comique de Médèa tente de se maintenir ; la preuve c'est que contrairement à certains festivals qui n'ont pas fait long feu comme celui de Cannes Juniors de Timimoun, le rendez-vous des planches de cette ancienne station romaine -Médéa- est en train de s'installer dans le temps et l'espace. La troisième édition du festival national du théâtre comique de Médéa, organisée chaque année pour rendre hommage au comédien Rouiched se tient depuis lundi dernier dans cette ville antique et se poursuivra jusqu'à samedi prochain. Pas moins de huit troupes sélectionnées parmi une trentaine qui ont envoyé leurs candidatures pour participer à cette fête des planches, seront en lice pour la plus haute distinction, " La grappe d'or " récompensant la meilleure œuvre. La famille du défunt et à sa tête son rejeton Mustapha qui est allé depuis plus d'une vingtaine d'années sur les traces de son père ainsi que des amis, des frères de luttes, sont présents à cette grande fête des planches qui rend par ailleurs un hommage particulier à la troupe du FLN, la doyenne des formations artistique qui a bouclé un demi-siècle d'âge. Comme l'événement intervient avec les festivités du Premier Novembre, date du déclenchement de la révolution algérienne, les organisateurs ont inscrit dans leur agenda une page d'histoire en rapport bien sûr avec la chose théâtrale. C'est ainsi que cinq grandes figures de la troupe théâtrale du FLN, en l'occurrence Taha El-Amiri, Djaâfar Bek, Mustapha Sahnoune, El Hadi Redjab et Sid-Ali Kouiret, ont été honorées à cette occasion. En plus de ces invités d'honneur, le public a pu aller à la rencontre de plusieurs projections organisées en plein air et faisant référence aux films- culte de Rouiche comme "Hassan Niya " " ou encore " Hassan Terro " signés par Lakhdra Hamina. Des documentaires aussi ont été proposés tout au long de cette rencontre qui célèbre un homme mais aussi une œuvre à travers des photographies, des débats et des conférences sur le théâtre en général et le parcours du comédien en particulier. Des ateliers de formation sur les métiers du théâtre seront également au menu de cette rencontre culturelle qui ranimera durant une semaine cette ville de l'ouest d'Alger où les événements artistiques sont rarissimes. Rouiched veut littéralement dire petit Rachid, du nom tout à fait humble de l'autre monstre des planches, Rachid Ksentini à qui Rouyiche vouait un respect et une admiration absolus. De son vrai nom Ahmed Ayad, Rouiched est né en 1921 à la Casbah d'Alger. Pour survivre dans un contexte colonial éprouvant, le petit Ahmed a tout comme ses compères, fait un tas de petits métiers dont celui de vendeur à la sauvette. Rouiched était prédisposé à devenir artiste, même s'il n'a pas eu la chance comme tant d'autres qui ont appris le métier sur le tas, de faire une formation dans une quelconque discipline artistique. Son premier rôle, en tant que comédien, il l'avait campé dans une pièce qui s'appelle " Estardjaâ ya âassi " (Prends conscience ! oh ! Impénitent), de Abdelhamid Ababsa. La représentation s'était déroulée au théâtre Mohamed Touri de Blida. A l'époque les gens avaient la hantise du juge, et le néophyte Rouiched qui avait un petit rôle dans cette pièce eut l'idée géniale de frapper la tête chauve du juge, où s'était posé une mouche. Son geste lui vaudra un tonnerre d'applaudissements et son physique de Bourvil marquera les esprits. Rouiched avaient côtoyé les personnages les plus en vue du monde du théâtre et du cinéma, à commencer par Rachid Ksentini, Mustapha Badie, Nadjat Tounsi, Sid Ali Fernandel, Mohamed Touri et Mustapha Kateb, ... La consécration du comédien viendra avec la trilogie de Mohamed Lakhdar Hamina, Hassen Terro (1967), Hassan Niya, L'évasion de Hassan Terro (1974) ... Il poursuit son bonhomme de chemin cette fois-ci à la télévision algérienne où il jouera dans de nombreux sketches et téléfilms jusqu'à sa mort survenue le 28 janvier 1999 dans son domicile à El Biar (Alger). Rouiched était comme Beethoven, complètement sourd. Il avait rendu l'âme après des années de lutte contre la maladie de la prostate.