Transe Au rythme des bendirs, les femmes sont entraînées dans un autre monde. Leur corps ne leur appartient plus. C?est la hadra. Safia, exténuée, se retire près de l?entrée de la grotte où une femme lui sert un café qu?elle sirote, l?esprit et le corps apaisés, les nerfs détendus, heureuse. Au cours de la deuxième pause, une femme oussifa apporte à Malika, sur sa demande, une grosse poignée d?encens, qu?elle cache dans son sac, et elle détache sa ceinture de laine tressée, qu?elle remet à la servante du maître. Ce dernier la portera autour du cou, quand il entrera dans la danse à son tour? Brusquement, les bendirs et castagnettes reprennent, et le maître, la tête recouverte d?un aâlem rouge, s?avance. Après quelques balancements, il s?échauffe, au milieu des youyous. Il est seul sur la piste. Autour de son cou, plusieurs ceintures de femmes stériles. «Allah ! Allah!», le refrain repris par des dizaines de voix mâles résonne sous les voûtes? Le maître entre en transes, bondissant à droite et à gauche, comme possédé? Quand la nouba s?achève, Malika et sa mère se présentent devant le maître assis sur une peau de mouton. Il tend à la jeune femme sa ceinture en souriant. ? Que Dieu te donne la baraka ! ? Merci, sidi ! répond Malika ? Quand naîtra ton fils, viens et rapporte-moi un mouton noir ! ? Bien sûr, sidi ! je le promets ! Et les deux femmes repartent chez elles, Safia ressentant une nouvelle vigueur et Malika pleine d?espoir. ? Si seulement, la baraka me touchait, maman ! ? Il faudra absolument apporter le mouton, comme promis, Malika. Il ne faut pas transgresser les coutumes et ne pas tenir les promesses. ? Oh ! maman, pourvu que j?aie un enfant, je donnerais tout ce que je possède !? Et neuf mois après, presque jour pour jour, Malika accouche d?un garçon prénommé Seifedinne. C?est un beau garçon, en parfaite santé, et le bonheur de sa maman est sans pareil.(à suivre...)