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Pour dire 2003 : des mots et des maux
Publié dans Info Soir le 31 - 12 - 2003


Aziouez, chômeur et citoyen, raconte «son» 2003
Mémoire Dans le noir absolu, Aziouez cherche son briquet. En cette glaciale nuit de décembre, il apprend de la bouche d?un voisin que 25 000 personnes avaient péri ce matin dans un séisme de 6,7 en Iran.
La si terrible nouvelle le dissuade de monter au quatrième étage, chercher une bougie, consulter son Larousse abîmé et trouver le sens d?un mot dont il n?a jamais entendu parler : «Delestage».
La cause étant entendue : tant qu?il y aura une terre, il y aura des séismes. «6, 7 ?» . Interloqué, il a failli même amocher son joint copieusement enroulé qu?il a préparé dans la cage d?escalier de cet immeuble déversant la puanteur de la lointaine banlieue algéroise.
Son ami aurait mieux fait de lui épargner l?éreintant exercice de remonter les chemins escarpés de la mémoire avec une tête que Aziouez voulait, pourtant, «remplir» par plein d?idées neuves à quelques mètres du finish : le 31 décembre.
«6, 7 ?», Richter revisité dans les tréfonds d?odieuses réminiscences. «Allah Yarhemhoum». Le pluriel coule des lèvres à flots, dans une généreuse charité et la pieuse pensée est allée directement vers tous ceux qui ont commencé à cocher le calendrier 2003 sans jamais pouvoir le finir.
Emportés par le cruel destin. Entre chaque bouffée adoucissante, Aziouez énumère heurs et malheurs. A commencer par le crash d?avion de Tamanrasset dans lequel, parmi les 102 victimes, «il y avait un ami d?enfance qui rêvait de faire un long voyage».
Des amis et des connaissances, il y en avait à la pelle aussi durant cette effroyable nuit du 21 mai 2003 qui a vu des cadavres disputer des parcelles de terre aux décombres, alors que quelques secondes auparavant, avant le brusque arrêt du temps, à 19h 44 précise, tout était debout : hommes, femmes, enfants et bâtisses.
«Abderahmane de Dergana, Mouloud et Slimane de Reghaïa, Abdelatif et Dahmane de Zemmouri, Raouf, Merouane et Djaafar de Fort-de-l?Eau» une liste bien étirée qui n?a d?égale que les interminables chamailleries des Bonatero, Craag, CTC et consorts autour d?une catastrophe devenue subitement un cas d?école et de conscience surtout.
«Eux aussi, ils avaient des rêves à vouloir réaliser?», lance Aziouez dans l?oreille sage de son voisin resté pantois devant le récital. «Faisaient-ils du bien dans leur vie au moins ?», ose demander le voisin.
«C?est la vie qui leur a fait du mal», assène tout de suite Aziouez, comme s?il guettait depuis longtemps cette question qu?on ne pose, par pudeur, jamais à propos des morts.
Sur place, l?ami baisse la tête, médusé d?être rappelé à l?ordre dans une sublime correction . «Moi aussi, je connais des malheureux : une femme qui a perdu son bébé dans un hôpital à Oran et un parent dans l?accident de l?Isuzu à Bologhine», se rappelle-t-il sur un ton sec. Après les hommages à titre posthume, place à d?autres événements, tout aussi frappants.
Le peste ? Celle de Camus ou de Kehaïlia ? Aziouez choisit Kehaïlia par mémoire parce que Camus est, pour un élève qui confond consonnes et voyelles, ce qu?est une Mercedes classe limitée pour un petit Algérien frappant chaque matinée à la porte d?El Khalifa Bank dans l?espoir de récupérer ses économies en euros. Et la peste n?est qu?une épidémie parmi d?autres. Les deux amis se souviennent de l?été de toutes les phobies. Conjonctivite et plages polluées le jour, secousses telluriques stridentes la nuit, le tout avec une forte dose pimentée d?une politique qui ne les regarde pas outre mesure.
FLN, FLN redresseurs, importation d?alcool, libération des chouyoukh, loi de finances, Cnapest, CLA, émeutes aux quatre coins du pays?autant de navets qui concernent uniquement l?intelligentsia.
A Bab El-Oued, quartier d?enfance des deux amis, le camouflet à la griffe Chirac, un beau matin de février, fait partie de l?histoire. Après les festivités et les visas non accordés, le tout Bab El-Oued vaque en ce moment à ses occupations : le Mouloudia qui demeure loin, très loin dans le rétroviseur du petit frère de Soustara et surtout cette viande d?âne qu?on ruminait, sans le savoir à satiété par la faute d?un réseau pris la main dans le sac, en plein ramadan. Un mois où la rahma est forcée de suivre les fluctuations d?un marché «qu?on aurait purifier rien qu?en injectant des miettes des milliards de dollars du pétrole», de l?avis de ce jeune chômeur drapé dans un bleu chinois qu?un bel oiseau dans le ciel azur de Padovani aurait confondu avec El-Badji, parti, lui, retrouver son ami dans l?au-delà.
Dans cette fresque tragi-comique, Aziouez, un nom plus facile à prononcer que les neuf lettres de Abdelaziz, a préservé les dernières bouffées pour Saddam Hussein.
«Même pas un pistolet, pour finir en beauté comme Hitler dans son bunker ?», se lamente-t-il. «Le suicide c?est h?ram», lui rétorque son ami.
«Et l?humiliation ce n?est pas h?ram selon toi ?», réplique froidement Aziouez avant de se lever et de jeter par terre le mégot qui lui a permis de faire un «khit» et de remonter, dans une éprouvante trame, le fil des événements 2003 tout aussi éprouvants pour deux chômeurs auxquels on a refusé l?Aadl, les microcrédits, les visas et l?espoir.
Soit juste de quoi en faire des citoyens éc?urés à vie.


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