Il était ce qu'il en était. — Que la paix et l'abondance soient sur toi ! — Notre chambre est en soie, votre chambre est en lin et la chambre de l'ennemi est un nid de souris. Messieurs et nobles Seigneurs, que nous soyons guidés, que vous soyez guidés sur la voie du bien et de la foi. Un jour, le père Chkonker était sur son figuier en train de manger des fruits délicieux, passa alors l'ogresse qui lui demanda une figue. Il en cueillit une et, la lui lança. Elle lui dit : — Donne-m'en une autre, celle-ci est tombée dans les buissons. Il en cueillit une deuxième et la lança. — Non, encore une, celle-ci est tombée dans la poussière. Donne-la moi de main à main. Il cueillit une troisième figue, tendit la main, et l'ogresse le saisit, le jeta sur son dos, la terre se fendit et ils disparurent. Elle arriva chez elle, laissa tomber le père Chkonker dans une fosse profonde et l'y enferma. Cette ogresse avait une fille aveugle qui, toute la journée, était assise devant la meule et broyait du blé pendant que sa mère partait chasser et ne rentrait que la nuit. L'ogresse s'adressa alors à sa fille : — Messaouda, continue à moudre ton blé, mais l'après-midi, sors le père Chkonker de la fosse, égorge-le et prépare-moi un bon couscous avec sa chair. Et elle partit chasser. Le père Chkonker l'entendit. Du fond de sa fosse, il se mit à chanter, la jeune ogresse, occupée à sa tâche, dit : — Qu'est ce que tu chantes bien, père Chkonker ! — Oh ! Ce n'est rien encore ! Si tu ouvres la fosse, tu verras comme je sais chanter ! Elle se leva, ouvrit la fosse et il chanta de plus belle. L'ogresse en fut tout heureuse et s'exclama : — Qu'est-ce que tu chantes bien, père Chkonker ! — Ce n'est rien encore ! Si tu me sors de la fosse, tu verras comme je sais chanter ! Elle se dirigea vers lui, tendit la main et l'aida à sortir du trou. Il l'attrapa, l'égorgea, mit ses vêtements et alla préparer un grand couscous. Il prit un énorme plat dans le fond duquel il disposa les seins de la jeune ogresse, les recouvrit de semoule et de viande, puis le rangea dans un coin. Il y avait un très haut palmier au milieu de la cour. Le père Chkonker creusa une profonde fosse au pied de l'arbre, la remplit de bois et y alluma un grand feu puis la recouvrit avec une plaque de fer usée. Il s'installa ensuite à la place de l'ogresse aveugle et commença à moudre le blé. L'ogresse rentra la nuit : — Comment vas-tu Messaouda, ma fille ? As-tu fait ce que je t'ai demandé ? — Oui, et le dîner est prêt. L'ogresse s'installa et commença à manger. Je vais te chercher de l'eau, lui dit-il. Il courut grimper au palmier où il se cacha et attendit. L'ogresse atteignit bientôt le fond du plat et découvrit les seins de sa fille : «Ah ! tu l'as fait, père Chkonker !» hurla-t-elle, et elle se dirigea vers le palmier. Agitée et furieuse, elle ne s'aperçut de rien et tomba en plein milieu de la fosse embrasée, elle cria : — Sors-moi d'ici, père Chkonker et je te rendrai riche ! Sors-moi et je te donnerai tout l'or que renferment mes chambres ! Le père Chkonker fit la sourde oreille jusqu'à ce que l'ogresse se consumât entièrement et se transformât en cendres. Plus tard, il descendit du palmier, alla ouvrir toutes les chambres de l'ogresse et découvrit ses trésors. Il vécut roi de son temps, riche et heureux, et notre conte traversa la forêt et l'année prochaine nous aurons deux et une récolte.