Il était ce qu'il en était. — Que la paix et l'abondance soient sur toi ! — Notre chambre est en soie, votre chambre est en lin et la chambre de l'ennemi est un nid de souris. Messieurs et nobles Seigneurs, que nos soyons guidés, que vous soyez guidés sur la voie du bien et de la foi. Il était une femme qui avait sept garçons et n'avait pas de fille. Lorsqu'elle fut enceinte, ses fils lui dirent : — Si tu ne nous donnes pas une fille, nous quitterons la ville. Quand les premières douleurs commencèrent, avant de s'éloigner, les garçons lui dirent : — Si tu accouches d'une fille, fais-nous signe avec un tissu rouge, si tu accouches d'un garçon, fais-nous signe avec une faucille. Elle accoucha d'une fille, mais sa belle-sœur qui la détestait et en était jalouse, s'empressa de faire signe avec une faucille. Dès que les sept garçons virent la faucille, ils s'enfuirent et quittèrent la ville. Leur mère en fut malheureuse et ne cessa de les pleurer jusqu'à ce que la petite fille grandît. Mais tous ceux qui la voyaient lui disaient : — O toi la Doucette qui fit perdre les sept ! Un jour, la Doucette rentra et demanda à sa mère de lui préparer une marmite de soupe. Elle la prépara et la lui apporta, alors la fille lui dit : — Ou tu m'expliques tout de suite ce que signifie ô toi la Doucette qui fit perdre les sept, ou je me verse cette marmite de soupe sur la tête ! Effrayée, la mère la supplia de n'en rien faire et lui dit : — Tu avais sept frères et quand j'étais enceinte de toi, ils m'avaient assuré que si j'accouchais d'un autre garçon, ils quitteraient la ville. Nous avons alors convenu que si c'était une fille, je leur ferais signe avec un tissu rouge, et que si c'était un garçon, je leur ferais signe avec une faucille. Or, ta tante, venue m'aider à accoucher, s'est précipitée et leur a fait signe avec la faucille. Voilà ma fille pourquoi tes frères ont quitté la ville et voilà pourquoi on te dit toujours : O toi la Doucette qui fit perdre les sept ! La jeune fille lui répondit : — Par Dieu, je vais quitter la ville et partir à leur recherche et je ne m'arrêterai pas avant de les avoir trouvés ! La mère se mit à pleurer, remplit de ses larmes des coquilles d'escargots qu'elle attacha en collier et noua autour du cou de sa fille, puis lui recommanda de le garder sur elle et de ne pas le perdre. Ensuite, se tournant vers un domestique noir, elle lui dit : — Fais-la monter à cheval, tu tiendras les rênes et marcheras toujours devant, ta femme suivra derrière, mais gardez-vous bien de la faire descendre de cheval ni de la faire marcher même un seul pas jusqu'à ce qu'elle trouve ses frères. Ils préparèrent des vivres et se mirent en route. Après une certaine distance, le noir s'adressa à sa maîtresse : — Descends et laisse monter ta maîtresse. Il eut à peine le temps d'achever ses propos que les coquilles d'escargots lui répondirent : — Gare à toi si tu fais descendre ta maîtresse de cheval ! Il eut peur et poursuivit sa marche en silence. Quelque temps après, la jeune fille eut soif et voulut descendre boire à une source sur le chemin, le noir la fit descendre. Elle se baissa pour boire et le collier tomba. Elle ne s'en aperçut pas, remonta à cheval et repartit. Après un bout de chemin le noir dit : — Allez, descends, laisse ta maîtresse monter, elle est fatiguée. (à suivre...)