Constat n Un boucher connu pour la cherté relative de ses produits s'est empressé de rassurer sa clientèle, quelque peu étonnée de le voir soudain baisser substantiellement ses prix. En fait, il explique qu'il n'a fait que répercuter la chute du prix du mouton sur le marché. En clair, rien n'a changé chez notre bonhomme mis à part le tarif : la viande d'ovins qu'il propose est toujours «irréprochable». L'allusion est à peine voilée et vise ceux parmi les bouchers qui, selon des «colportages», écoulent des produits d'origine douteuse, notamment de la viande de brebis qu'ils font passer pour de la viande d'agneau. Les bouchers incriminés expliquent leurs prix par le fait, notamment, qu'ils possèdent leur propre cheptel et qu'en toute logique, leur coût de revient s'en trouve considérablement diminué de l'importante marge bénéficiaire qu'empochent habituellement maquignons et chevillards. Faisant fi de ces «commérages», la clientèle s'agglutine, quant à elle, aussi bien devant les boucheries «populaires» que devant celles qui proposent de la viande à des prix excessivement élevés. Amar, un gigot sous le bras, dit que l'idée de savoir s'il a affaire à du mouton ou à de la brebis ne lui effleure même pas l'esprit. Pour ce quadragénaire représentatif d'une clientèle moyenne et peu exigeante, «l'essentiel est que la viande soit estampillée et à bon prix.» De toute manière, il se dit «incapable de faire la différence entre un gigot d'agneau et un gigot de brebis» et que par ces temps de... vaches maigres, il est «prêt à consommer n'importe quelle viande pourvu qu'elle soit saine, à bon marché et non prohibée par la morale ou par la religion.» Abbas, en revanche, aime bien savoir ce qu'il a dans son assiette. Aussi regrette-t-il le temps où les bouchers, pour signaler un tant soit peu la traçabilité de leurs produits, affichaient les attributs mâles des animaux abattus en mettant bien en évidence nerfs de veaux et autres rognons blancs. Sa culture et ses habitudes de consommation l'empêchent de manger de la brebis ou de la génisse, même s'il sait, sur la foi de vétérinaires, que leur viande, lorsqu'elle est saine, équivaut à celle de l'agneau ou du veau et se révèle parfois même meilleure. Aujourd'hui, il aimerait que soit indiquée l'origine de la viande qu'il achète pour pouvoir, dit-il, «faire le choix en fonction de mes moyens» et surtout éviter de se faire «flouer» par des bouchers véreux qui n'hésitent pas à jurer par tous les saints que leur produit est plus qu'aux normes requises, sachant bien que le consommateur répugne, dans l'ensemble, à consommer de la viande de génisse, de brebis ou encore de chèvre...