Certains bouchers véreux n´hésitent pas à jurer par tous les saints que leur produit répond aux normes requises. Un boucher d´Alger connu pour la cherté de ses produits s´est empressé de rassurer sa clientèle, quelque peu étonnée de le voir soudain baisser substantiellement ses prix, en expliquant qu´il n´avait fait que répercuter la chute du prix du mouton sur le marché et que les causes réelles de son opération ne sont pas à chercher ailleurs. En clair, rien n´a changé chez notre bonhomme, mis à part le tarif bienvenu: la viande d´ovin qu´il propose est toujours «irréprochable» et n´est surtout pas le fruit d´une quelconque fraude sur l´origine ou sur la qualité. L´allusion est à peine voilée et vise ceux parmi les bouchers qui, selon des «médisances» (?) et autres «colportages», écouleraient des produits d´origine douteuse, notamment de la viande de brebis qu´ils font passer pour de l´agneau. C´est ce qui expliquerait, en l´occurrence, la différence de prix considérable observée, ces derniers temps, dans certaines boucheries dans différents quartiers de la capitale, et qui peut atteindre les 200 DA de kg de viande ovine. Dans ce climat de suspicion à leur encontre, beaucoup de bouchers incriminés expliquent la modestie relative de leurs prix par le fait, notamment qu´ils possèdent leur propre cheptel et qu´en toute logique, leur coût de revient s´en trouve considérablement diminué de l´importante marge bénéficiaire qu´empochent habituellement maquignons et chevillards. Un débat qui ne semble pas déstabiliser, outre mesure, la clientèle laquelle, faisant fi de ces «commérages» de bouchers, s´agglutine aussi bien devant les boucheries «populaires» pratiquant des prix pour petites bourses que devant celles proposant de la viande à des prix excessivement élevés. Amar, un gigot acquis dans une boucherie «populaire» sous le bras, dit que l´idée de savoir s´il a affaire à du mouton ou à de la brebis ne l´effleure même pas. Pour ce quadragénaire représentatif d´une clientèle moyenne et peu exigeante, «l´essentiel est que la viande soit estampillée et à bon prix». De toute manière, il se dit «incapable de faire la différence entre un gigot d´agneau et un gigot de brebis» et que par ces temps de... vaches maigres, il était «prêt à consommer n´importe quelle viande pourvu qu´elle soit saine, à bon marché et non prohibée par la morale ou par la religion». Abbas, par contre, aime bien savoir ce qu´il a dans son assiette. Aussi regrette-t-il le temps béni où les bouchers, pour signer un tant soit peu la traçabilité de leurs produits, affichaient les attributs mâles des animaux abattus en mettant bien en évidence nerfs de veaux et autres rognons blancs. Sa culture et ses habitudes de consommation l´empêchent de manger de la brebis ou de la génisse, même s´il sait, sur la foi de vétérinaires, que leur viande, lorsqu´elle est saine, équivaut à celle de l´agneau ou du veau et se révèle parfois même meilleure. Aujourd´hui, il aimerait que soit indiquée l´origine de la viande qu´il achète pour pouvoir, dit-il, faire son choix en fonction de ses moyens et surtout éviter de se faire «flouer» par des commerçants véreux qui n´hésitent pas à jurer par tous les saints que leur produit est plus qu´aux normes requises, sachant bien que le consommateur algérien répugne, dans l´ensemble, à consommer de la viande de génisse, de brebis ou encore de chèvre...