Précaution n Aux grands consommateurs de champignons, les spécialistes précisent de bien séparer le bon grain de l'ivraie. Autrement dit, différencier le bon du mauvais champignon. Les champignons, ces organismes complexes dont les espèces sont difficilement différenciables, que l'on cueille dans les champs, dans les forêts ou même près des oueds juste après les pluies d'automne, sont des végétaux très recherchés par les habitants de la wilaya des Bibans. Ces derniers, en particulier dans les zones rurales, les apprécient pour leurs vertus nutritives et les ont de tout temps consommés. Si des personnes âgées, rompues à la cueillette des champignons, ont fini par s'habituer aux différentes espèces qui poussent dans la wilaya, de nombreuses autres ignorent que toutes les espèces ne sont pas comestibles. Certaines espèces sont même de véritables «tueuses», même après cuisson, comme ce fut récemment le cas avec la mort de deux enfants et d'une jeune femme à Bordj Bou-Arréridj. Même si elle ne constitue pas une «tradition» dans cette région des Hauts-Plateaux, la consommation de champignons, appelés localement «el-fougaâ», y est pourtant très usuelle, voire banale et très peu de cas d'empoisonnement mortel sont venus, jusqu'ici, défrayer la chronique. En fait, «el-fougaâ» est largement consommé dans de nombreuses communes de la wilaya où on l'apprécie, soit accommodé avec plusieurs plats traditionnels comme el-berkoukes et el-hassoua (des pâtes maison), soit consommé nature, cuit en sauce ou à la vapeur. «Nous en mangeons à chaque début d'automne et ils (les champignons) n'ont jamais tué personne», s'écrie Ali Ferrah. «Le champignon, nous l'avons toujours appelé ‘'viande de la forêt'' et les gens savaient, à mon époque, discerner la plante qui nourrit de celle qui tue», explique cet ancien fellah qui note que les «nouveaux agriculteurs» ne savent plus différencier entre les espèces comestibles et celle toxiques. Selon lui, les anciens ont «consommé, sans problème, le champignon pendant des milliers d'années.» Cet ancien agriculteur évoque des «trucs» qu'il tient pour infaillibles pour séparer «le bon grain de l'ivraie». «Faire confiance aux animaux qui, eux, ne se trompent jamais», figure parmi les «astuces» utilisées naguère. «Nous suivons les bêtes et si les chèvres ou les vaches évitent les herbes proches des champignons, ceux-ci ne sont pas comestibles. En revanche, si les animaux domestiques broutent juste devant les pieds de champignons, alors ceux-ci sont automatiquement cueillis et savourés», explique M. Ferrah. Ce sont les anciens, dit-il en guise de «possible explication», qui se chargent d'habitude de la cueillette, et non les enfants. Le Dr Sadi, maître-assistant en toxicologie, n'est pas très loin de partager cet avis : «Il existe plus de 5 000 espèces de champignons, dont 100 sont toxiques et entre 10 et 20 mortels et les paysans de la région avaient une sorte de sens de la cueillette. Durant ces 30 ou 40 dernières années, les gens ont tout simplement perdu toute l'expérience accumulée au cours des siècles par la famille paysanne qui a aussi perdu ses repères quant à la connaissance des plantes de la région», ajoute ce praticien.