Dès que l'automne pointe du nez, les amateurs de la cueillette de champignons sortent de leur réserve. «Armés» de bêches, les bottes enfilées, ils arpentent les sentiers sinueux des forêts pour dénicher un cep ou un bolet. Certains amateurs sont de très bons connaisseurs. Ils arrivent à différencier deux champignons présentant les mêmes caractéristiques, mais l'un d'eux peut s'avérer toxique. Dans d'autres cas, la similitude est telle que le plus avisé s'y perd. L'année passée, sur les 265 personnes hospitalisées pour une ingestion de champignons vénéneux, 18 ont trouvé la mort. Pour Yahia Berouiguet, fin connaisseur de ce végétal, la majorité des Algériens ne sait pas reconnaître les différentes espèces de cette plante. Même les connaisseurs ne sont exempts d'erreurs et il leur arrive, certes rarement, de se tromper. La cueillette est un art, un loisir au même titre que la chasse et la pêche. Elle se pratique à l'approche des saisons automnales et printanières. La plupart du temps, la récolte est conséquente. Cette activité est devenue avec le temps une passion que Yahia perpétue à ce jour. Il connaît parfaitement les espèces. Il a potassé beaucoup de livres décrivant aussi bien les comestibles que les vénéneux. Mais dans la forêt de Bainem, il n'y a pas une grande diversité de cette plante et les amateurs ne se bousculent pas au portillon. Les précautions à prendre pour ce connaisseur sont nombreuses. La première consiste à le visualiser et connaître les caractéristiques à fond pour ne pas se tromper. Car les erreurs frisent parfois la malchance. « Il suffit de cueillir un champignon qui a été en contact avec la poudre d'une cartouche de fusil pour qu'il soit mortel», fait-il remarquer. Au niveau du centre antipoison du CHU Lamine Debaghine (ex-Maillot) de Bab El-Oued, il a été recensé 18 morts l'an passé. Dès la déclaration du deuxième décès, une cellule de crise a été mise en place et une délégation ministérielle s'est déplacée à Bordj Bou Arréridj, sur les lieux des accidents. Le Dr Kamel Ould Abdellah, médecin au centre antipoison, explique que les conditions météorologiques d'alors ont favorisé une poussée importante de ce végétal appelé «viande des bois». Les gens ont consommé plus de 5000 espèces parmi lesquels une vingtaine sont mortels. «Dès le décès du deuxième cas, enchaîne le Dr Wafa Iddir, également médecin au centre antipoison, nous avons été inondés d'appels». Ces derniers émanaient de médecins dépassés par le cours des événements. A Bordj Bou Arréridj, les malades gravement atteints ont été transférés vers Alger. Les cas les moins graves ont été traités sur place. Malheureusement, certains de ces derniers ont développé des problèmes hépatiques et rénaux. Pour sensibiliser et éviter d'autres morts, des affiches ont été placardées dans la ville invitant les citoyens à ne plus consommer ce végétal. Les écoles, les mosquées, les radios locales, la télévision, la protection civile ont été mises à contribution pour expliquer la dangerosité des champignons. Au même moment, de Ain Boussif, dans la wilaya de Médéa, des appels parvenaient au centre antipoison. Des cas d'intoxications au champignon ont été déclarés. Les médecins voulaient des orientations et des conduites à tenir face à ce «phénomène». Ils ont reçu des instructions à distance. Selon le Dr Iddir, ces drames auraient pu être évités s'il y avait des associations de consommateurs de champignons qui activent sur le terrain.