Résumé de la 3e partie n M'ahmed est jaloux et plein de rancœur envers son père dont la nouvelle femme est jeune et jolie, tandis que celle que ce dernier lui a choisie n'est ni belle ni bien née... «En revanche, la belle-mère, une femme des Beni-Ouakour, blanche comme la neige de ses montagnes, fille du cheik Bou-Ameriren, revenait à plus de cinq cents bassitans. Et Idir, rien n'était trop beau pour lui : les burnous fins, la viande tous les jours, les longues siestes à la maison, une jeune femme, à peine nubile. Quand donc la fortune appartiendra-t-elle à l'aîné, le véritable héritier ? » Un croassement nouveau retentit et M'ahmed, sursautant, regarda le corbeau perché sur l'abîme. L'animal, sans paraître s'occuper de son voisin, semblait absorbé par la contemplation du vide. La tête tournée vers la gauche, il regardait, de son œil droit dilaté, regardait, immobile, semblant apercevoir quelque chose d'étrange, là-bas, dans la nuit froide et opaque. «Maudite bête, cent fois maudite, pensa M'ahmed, elle est pourtant plus heureuse que moi ! Elle passe son temps à son gré, remplit son ventre et vit sans rien faire. Qui sait ? N'est-ce pas un Génie qui, là au fond, a caché son trésor. Un trésor !... Celui du père, je sais où il est.., dans l'écurie, vers le poteau de droite. Et le vieux le surveille toujours du coin de l'œil, comme ce corbeau surveille l'abîme. Quand sera-t-il à moi, ce trésor, à moi seul ? Car Idir ne l'aura jamais, oh non ! jamais, je le jure. Il y en a de l'or! Une pleine marmite des Aït Khebli. De l'or beaucoup d'or, des grosses pièces d'argent, bou-medfa, des soltanis !... Avec cela, la bonne chère, les tapis moelleux pour sommeiller tout le jour, la puissance dans la tribu ! Et là-bas, dans El-Djezaïr la blanche, les femmes à l'œil agrandi par le khôl ! «Il me faut cet or-là ! Ce soir, au retour, je le volerai et je m'enfuirai sur Sibous, notre étalon que nul ne peut atteindre. Oui, mais si le père s'en aperçoit, il n'est déjà pas tendre pour moi et son fusil ne me manquera pas, comme il a manqué ce maudit corbeau qui me regarde encore. Et M'ahmed débita, à l'adresse de l'oiseau, qui n'en avait cure, tout le chapelet des imprécations arabes. «Oui, reprit-il au bout d'un instant, il faut que cela finisse ; plus j'attendrai, moins la marmite sera lourde. Cette femme mange notre bien, grâce aux faiblesses du vieillard. Que j'aurais du plaisir à la chasser de la maison, quand mon père sera mort !... Oui, mais il n'est pas mort !... » Le corbeau s'envola de l'abîme pour se poser sur sa motte de terre. D'un pas rapide, Mohamed Amokran s'avançait vers l'olivier. Le vieillard n'entendant plus le bruit de la hachette de son fils, venait voir ce qui se passait. «Ah ! fainéant, cria-t-il, en le voyant couché, c'est à cela que tu passes ton temps pendant que ton vieux père travaille. Tu mériterais de ne pas manger aujourd'hui, être inutile, chien né dans la couche d'un lion ! Allons, debout et suis-moi ! » (à suivre...)