Résumé de la 5e partie n Tous les villageois ont le regard braqué sur la famille de Si Mohamed, se dirigeant en cortège vers le cimetière... Le cortège arriva au cimetière ; les deux femmes s'assirent au pied de l'olivier sacré qui le dominait et Si Mohamed cherchant, hors du tombeau de ses ancêtres, une place écartée, se mit, aidé de Si Amar, à creuser une tombe, la tombe d'une vivante... Dans le calme du matin, l'alouette, piquant droit aux nues, lançait sa ritournelle joyeuse ; le soleil dorait de ses premiers rayons la cime des collines ; vers l'Orient, le Tamgout des Zerkhfaouas se dressait avec ses pentes régulières, semblable à une tente géante frangée de lueurs roses. La nature au réveil paraissait sourire à sa beauté, insoucieuse du drame qui allait s'accomplir et le soleil, témoin de tant de crimes, ne recula point devant le spectacle sauvage qui se déroula aux yeux des spectateurs pétrifiés. Le vieux marabout et son fils, peu habitués au travail manuel, allaient lentement. Leur pic résonnait faiblement sur le sol pierreux et la tombe se creusait avec peine. Personne n'osa leur offrir de les aider pour ne pas participer au crime (à l'acte de justice suivant les idées kabyles) qui allait se commettre. Enfin, la profondeur fut jugée suffisante et le vieux marabout, plus pâle encore que sa fille, se reposa sur le manche de son outil, essuya son front mouillé de sueur et promena un regard assuré sur l'assistance. Puis, se tournant vers l'Orient, il entonna d'une voix sourde, mais ferme, la prière des morts. Tous les Kabyles unirent leurs chants au sien, et leur rythme plaintif se déroula, entrecoupé du bruit des fronts frappant la poussière : Dieu seul est Dieu et Mohamed est Son prophète Lorsque la prière fut dite, la vieille mère de Zohra apporta l'enfant noir que, du pied, le marabout poussa hurlant dans la tombe. On pensait que sa justice n'irait pas plus loin. Mais Si Amar s'approcha de sa sœur qui gémissait plus faiblement et la prenant par le bras, la traîna violemment vers son père. D'un geste brusque, il la jeta à terre et la saisit par les pieds. Le vieux marabout pressa sur les épaules de sa fille qui se trouva couchée tout de son long au bord de la fosse où criait déjà le fils de Kara. La prenant par ses longs cheveux, que son foulard de tête dénoué avait laissé tomber sur son cou, il lui tourna le visage du côté de La Mecque, tendant la gorge sur son genou replié et d'une voix puissante, il cria la formule consacrée, en usage chez les sacrificateurs : «Au nom de Dieu Unique !» La plainte chantée de la belle Kabyle s'éteignit brusquement ; d'une carotide à l'autre, la gorge avait été tranchée par le couteau du père et laissait apercevoir la colonne vertébrale dénudée. (à suivre...)