Couleurs n Marga Riera est une artiste peintre espagnole qui vit à Alger depuis près d'une année, ville qu'elle aime et qui l'inspire. Son séjour à Alger lui a permis de travailler de manière à éperonner son inspiration, à féconder et fructifier son imaginaire, et à développer une esthétique nouvelle. Car, dit-elle, «Alger – voire l'Algérie – lui a insufflé (comme par enchantement) une nouvelle inspiration», donc une nouvelle manière d'être et de peindre, par conséquent. «Ici, à Alger, je peins de la même façon qu'en Espagne», précise-t-elle. «Mais il y' a quelque chose qui a changé en moi, en ma façon de peindre». Et d'ajouter : «Il y a plus de recherche dans la lumière. Si en Espagne, j'utilisais beaucoup de matières lourdes, obscures et parfois opaques, il se trouve qu'à Alger, je cherche la transparence, la clarté.» Les nouvelles peintures de Marga Riera contiennent effectivement des matières plus légères et aérées ; il y a moins d'obscurité et de tempérament nébuleux, contrairement à celles réalisées en Espagne qui, elles, apparaissent drues et sombres. «A Alger, j'ai plus de temps, je m'investis donc plus dans la recherche et la réflexion», explique-t-elle, précisant : «à Alger, je suis plus sensible à ce qui m'entoure, parce que l'Algérie est un pays qui touche l'âme, la saisit ; il y a quelque chose de profond qui attire» L'Algérie continue donc d'inspirer les artistes, puisque déjà au XIXe siècle, de nombreux peintres ont immortalisé sur leur toile la beauté de ce pays , sa lumière et ses couleurs. A Alger, Marga Riera travaille sur une thématique se référant à l'univers et à l'imaginaire touareg, notamment au personnage de la femme : elle a réalisé, en ce sens, des peintures représentant chacune la femme targuie, celle qui, à titre d'exemple, joue à l'Imzad. «J'étais captivée par la vie des Touareg, leur environnement social et naturel, j'étais capturée par leur culture et leur façon d'être. Le Sud algérien m'a énormément séduite, enchantée.» Et de souligner : «En choisissant d'aborder et de développer cette thématique, je ne veux surtout pas tomber dans l'orientalisme ou même dans l'exotisme. Je me refuse tout pittoresque et merveilleux. Mes peintures se refusent d'être la représentation moirée de l'ailleurs. Je réfléchis, j'élabore, j'imagine d'ailleurs mes peintures de manière à ne pas reproduire un orientalisme folklorique.» Les peintures de Marga Riera ne sont pas des peintures colorées, imagées ou exubérantes. Il s'agit, bien au contraire, d'un travail relevant d'une énergie authentiquement créatrice. «Je m'exprime avec énergie et précision, je peins des choses énergiques, significatives», dit-t-elle. «Je focalise mon intérêt, comme on peut le constater, sur la main qui, elle, se présente comme étant un composant essentiel du tableau, parce que la main a un sens, elle exprime des sentiments, la force, elle renvoie au toucher, à la caresse et à la douceur. En plus, on fait des choses avec les mains, et on parle beaucoup avec les mains. Elles se révèlent alors un langage par lequel on s'exprime et on exprime une pensée, un fait, une attitude…» * Marga Riera expose à Dar El-Kenz (Chéraga) l Marga Riera entretient un rapport distinct avec le corps - la main fait partie de cette matière et morphologie humaine - de manière à devenir un sujet, un élément récurrent dans ses peintures. Il y a en somme une célébration, une exaltation du corps, notamment celui de la femme.«Le corps représente, pour moi, le mouvement, et celui-ci est l'expression directe de la volonté humaine ; en outre, le mouvement permet le déplacement dans l'espace.» Il se trouve que le corps que Marga Riera évoque dans ses tableaux est différent de celui auquel on est habitué au quotidien, même si, à première vue, il apparaît identique, une reproduction de ce qui est perçu à l'œil nu. Le corps est dématérialisé, vidé de son entité physique; il est montré dans sa pureté, originellement, et à l'état de sensualité. Il est démystifié. Pour dire la femme, précisément dans ses peintures espagnoles, Marga Riera s'inspire de la mythologie gréco-romaine. «La mythologie gréco-romaine occupe une grande part de mon centre d'intérêt», explique-t-elle. En effet, l'artiste travaille souvent sur le mythe, surtout celui qui met en scène la femme. «La femme est tout le temps montrée comme sujet négatif, d'où l'intérêt porté sur les mythes dans lesquels on retrouve des femmes courageuses et déterminées, capables d'affronter leur destin», relève-t-elle. Evoquer le corps, donc la femme, c'est aborder, ne serait-ce que l'effleurer subtilement, l'érotisme. «Il y a en effet de l'érotisme dans mes peintures, explique-t-elle, parce que c'est un moyen d'expression; c'est quelque chose d'intense et de puissant.» «Il y a dans l'érotisme une vérité à dire.» Marga Riera touche également à d'autres thèmes comme le flamenco ou le jazz. «La peinture, dit-elle dans ce sens, est comme une musique; c'est une partition, une note musicale.» «J'aime bien faire la liaison entre la peinture, la littérature et la musique ; c'est enrichissant et constructif.»