Résumé de la 9e partie n A ses propres frais, Kassi se rend au front, à Orléans où il découvre que l'armée française est en déroute... La guerre traînait, on ne frappait plus de grands coups, mais ce n'étaient que combats d'avant-postes, escarmouches au milieu desquelles notre tirailleur reprit tous ses goûts belliqueux. Toujours avec le bataillon qu'il avait adopté, il fit toute cette campagne désespérée, avec Belfort pour objectif, émerveillant les conscrits de son sang-froid, les réconfortant de son exemple, les entraînant, un peu malgré eux, à des actes d'audace qui, malheureusement, ne retardaient guère le désastre inévitable. Il était connu de tous et les officiers se faisaient un honneur de l'héberger dans les rares bons moments où l'on pouvait, dans une ville ou un quartier d'approvisionnements, se procurer de quoi manger à sa faim. Ils n'hésitaient pas non plus à lui demander, dans les positions critiques où les plaçaient quelquefois leur imprudence ou leur audace de jeunes gens, des conseils souvent suivis et toujours dictés par un admirable instinct de sauvage sur le sentier de guerre. Il devint aussi célèbre dans un petit rayon et le bataillon de mobiles le regardait comme son palladium. C'était certes un noble drapeau que ce petit tirailleur tout ridé dans sa peau rouge de blond rôti par le soleil, avec ses moustaches grises, ses décorations, son bras ballant. Kassi n'était pas seulement le premier au feu, il était aussi marcheur infatigable et maraudeur d'une prodigieuse habileté, ce qui augmentait sa renommée. Nul mieux que lui ne savait découvrir les poules enfermées par les paysans, les pommes de terre enlisées et les pots remplis de conserves. Il ne gardait rien de ses trouvailles, se contentant du pain qu'il recevait, mangeant du bout des dents, tout entier à ses amères pensées. Il observait silencieusement, ne parlant que quand on l'interrogeait, à moins qu'il n'eût à réconforter les traînards, à encourager les blessés ; actif, passant de la tête à la queue de son bataillon, portant le sac du plus faible, veillant chaque nuit en tête des avant-postes quand il sentait le danger proche, dépistant les patrouilles ennemies, dont beaucoup de vedettes isolées tombèrent sous ses coups. Il se glissait comme un vrai chacal le long des haies et des buissons, ne gardant pour toute arme que son flissa, puis bondissait lorsque la sentinelle prussienne tournait le dos et, de sa seule main, lui plantait la lame au-dessous de la nuque, sentant couler sur ses doigts le sang chaud et gluant des meurtriers de son fils. A personne, il n'avait raconté sa triste histoire, avec personne, il n'avait pleuré son fils chéri, réservant ses larmes silencieuses pour les longues heures qu'il passait accroupi dans les broussailles, attendant sa vengeance, rêvant de sa rekba. Parmi ses compagnons les mobiles, il avait remarqué pourtant un lieutenant dont la tournure martiale, la stature colossale l'avaient séduit, car il aimait tout ce qui lui paraissait beau et fort. (à suivre...)