Résumé de la 2e partie Plus que la jalousie, c?est le désespoir qui a poussé cette femme à tuer son mari. Elle risque une peine de prison plus ou moins lourde, selon l?indulgence des jurés ou le talent de son avocat. Dans le couloir, le policier s?arrête un moment : «Excusez-moi, ça ne me regarde pas du tout et cela n?a aucun rapport avec l?affaire. Vous n?êtes pas obligée de me répondre. J?ai trouvé ce matin dans vos papiers la lettre d?une organisation : La Protection de l?enfance, je crois. Est-ce que vous y avez donné suite ?» Sitôt la question posée, le policier a presque honte de l?avoir fait. Parler de bonnes ?uvres à une femme qui vient d?être inculpée pour meurtre est peut-être de mauvais goût. Mais dans ce long couloir du Palais de justice, Mme Parmentier, qui marchait entre lui et un policier en uniforme, s?arrête et le dévisage : «Pourquoi me parlez-vous de ça ?» ? A vrai dire, je ne sais pas. Je vous assure que c?est sans aucune arrière-pensée. C?est de la pure curiosité. J?espère que vous ne la trouvez pas déplacée ? ? Non, mais c?est étonnant. En effet j?ai donné suite à cette proposition il y a trois mois. ? Vous êtes donc la marraine de cette enfant ? ? Oui. Mais vous savez, je dois à la vérité de dire que je ne me considère pas comme vraiment responsable de son avenir. C?est sans grand enthousiasme que j?ai accepté, avec mon mari, de la parrainer. Nous faisions une bonne ?uvre, voilà tout. Moyennant un versement modique, que j?ai porté de moi-même à 120 francs par mois ? un prix somme toute raisonnable et sans risque de grands tracas. La charité la plus égoïste, n?est-ce pas ? Mme Parmentier et le policier ont repris leur marche dans le couloir. «Quel âge a-t-elle ?» demande le vieux flic. ? Douze ans. ? Pourquoi sur la photo cache-t-elle son ?il gauche ? ? Elle a perdu un ?il par la petite vérole il y a trois ans. Dans sa famille, il y a cinq enfants. L?aînée a été mariée à treize ans car personne ne mangeait à sa faim. Le père tuberculeux se loue comme journalier dans les champs quand il y a du travail. Mais il en trouve rarement alors il va à la pêche dans les marécages, ce qui ne permet pas à sa famille de manger tous les jours. La mère, elle aussi, est tuberculeuse. Nurjhan est une enfant entêtée, pas très obéissante, paraît-il, mais animée d?un grand désir d?apprendre. Seulement, elle n?a jamais pu aller à l?école régulièrement : elle est seulement en 3e classe, elle ne sera jamais très brillante dans ses études. Elle mange rarement à sa faim et sa condition physique est misérable. Mme Parmentier et le vieux flic reprennent leur marche dans le couloir. «Vous ne l?avez jamais vue ?» ? Non, bien sûr. Je ne connais d?elle que sa photo. Un jour, j?ai reçu une petite lettre décorée d?un dessin de sa main qui représentait des fruits, avec quelques mots écrits par la bonne s?ur, paraît-il sous sa dictée. Elle me disait : «Je suis votre filleule Nurjhan, je ne sais pas encore écrire, mais j?espère que bientôt je saurai, et que je pourrai vous remercier moi-même.» Au verso, la bonne s?ur avait ajouté quelque chose. Elle ne voulait pas laisser partir la lettre de cette enfant sans exprimer sa reconnaissance pour ce que nous faisions pour elle. Elle m?expliquait que si Nurjhan pouvait faire encore trois années de classe, cela lui serait bénéfique et qu?en même temps on pourrait la former à être une bonne mère de famille sachant tenir une maison et un foyer? L?essentiel, quoi ! Tout en parlant, le vieux flic et son inculpée, discrètement accompagnée par le policier en uniforme, sont arrivés au pied du «panier à salade». (à suivre...)