Résumé de la 18e partie n Kassi s'occupe de son lieutenant du mieux qu'il peut, mais quand il aperçoit un général allemand il est tout excité à l'idée de venger sa rekba... Et la tête dans les mains le vieil endurci, qui avait tant de fois bravé la mort et que la mort semblait vouloir oublier, versait d'abondantes larmes. Le lieutenant s'était calmé et regardait attentivement à travers la percée des branches. A présent qu'il avait fait le sacrifice de sa vie, il lui en coûtait de revenir du rêve où il commençait à se plonger. Il voyait le général qui, pendant l'action, s'était probablement tenu à l'écart, recevoir les félicitations de ses nombreux subordonnés. Les officiers d'ordonnance papillonnaient autour de lui, prenant leur part de ces flagorneries, se parant de la bravoure des pauvres diables qu'ils menaient à la curée. Cette vue exaspéra le mobile. Les larmes de Kassi lui allaient au cœur. Avec sa froideur habituelle, il tourna la tête vers son ami et lui dit simplement : — Passe-moi ton chassepot. — Toi ! toi ! pleura Kassi, c'est toi qui vas venger Ali !...» Et l'émotion joyeuse lui coupa la parole. Il prit l'arme qu'il avait laissé tomber, la donna au lieutenant et lui baisa la main. Le Français l'attira sur son cœur et avant de mourir, les deux amis s'étreignirent silencieusement. — O mon fils ! murmura Kassi, vise bien ; pense que tu es de ma famille et que le sang de ton frère Ali crie encore vengeance. Tu es un homme ! tu n'abandonnes pas la rekba comme les lâches ! Ton regard est infaillible ! Le ‘'jenninar'' va mourir et la tête d'Ali, fils de Kassi le manchot, pourra reposer en paix.» Il se tut, tendant le cou, retenant son souffle, regardant par-dessus l'épaule du lieutenant, comme s'il eut voulu suivre cette balle qui allait frapper la victime désignée par sa karouba. Le chasseur de chamois avait repris pleine possession de son sang-froid ; lentement, il se redressa contre le hêtre, appuyant solidement son dos, s'arc-boutant sur son genou valide. Il allongea le long de la couche sa tête impassible et pressa le doigt sur la détente. L'effort et la douleur le firent retomber de côté. Kassi avait bondi hors de la broussaille, après avoir ramassé et rechargé son arme ; il n'avait pas perdu de vue le général. (à suivre...)