Résumé de la 14e partie n Le lieutenant ne rate aucune de ses cibles et Kassi, voulant faire de même, s'aventure plus en avant, abat un Prusse et en blesse un autre... Il (le Prussien blessé) se précipita sur Kassi, après avoir ramassé son fusil par la baïonnette ; le vieux sergent, ne pouvant recharger, marcha sur lui, et les deux ennemis se ruèrent l'un sur l'autre, le Kabyle, tout petit, avec son flissa, le Prussien, énorme, avec son lourd fusil qu'il brandissait comme une massue. Tout cela n'a eu que la durée d'un éclair. Ils restèrent un moment face à face, et le Prussien, faisant tournoyer son arme, en lança un coup terrible qui, manquant la tête de Kassi, rencontra le flissa levé et le brisa comme un roseau. Se voyant désarmé, le sergent prit son élan et évitant un deuxième coup, saisit son adversaire à la gorge, de son seul bras. Le Prussien manchot, lâchant son fusil, en fit autant, et tous deux roulèrent sur le sol, soufflant et râlant. L'homme du Nord aurait eu promptement raison du petit vieux, sans la douleur de sa blessure et le sang qu'il perdait. Il parvint, néanmoins, à maintenir Kassi à terre et serra plus fort, criant des appels anxieux. Le combat dura quelques minutes. Des deux camps on entendait ; et Kassi se soulevant dans un effort suprême, put apercevoir d'un côté le petit poste prussien, de l'autre son ami le lieutenant, en tête de ses braves, qui accouraient. La forme gigantesque du mobile bondissait par-dessus les halliers, à grandes enjambées ; il se rapprochait, ne songeant point même à tirer son épée ou son revolver, de cent pas en avant de ses hommes. Le Prussien serrait et criait désespérément, se couchant sur le tirailleur qu'il écrasait. De ses yeux déjà vitreux, Kassi vit flotter près de lui la longue barbe rousse, il sentit passer près de son visage une main velue et noueuse comme la patte d'une panthère, il respira librement et s'évanouit. Le Prussien, exhalant un râle sourd, fut plié en arrière ; sous l'étreinte de fer, les os de sa nuque craquèrent. L'ayant soulevé comme une plume, le lieutenant le rejeta inerte. A cinquante pas, les Prussiens commencèrent le feu, heureusement inoffensif à cause de la nuit déjà noire. Le Français, prenant son vieil ami dans un bras, la tête sur son épaule, comme un père tient son fils, saisit de l'autre le cadavre de la vedette et s'en fit un bouclier. Il reculait à pas lents, portant son double trophée. Les nôtres arrivaient du reste et ouvrirent sur leurs adversaires un feu qui les décida à la retraite. Le lieutenant, ayant alors rejeté le cadavre, rentra au bivouac, toujours portant son ami, et ce groupe fut applaudi par tous les soldats, qui poussaient des bravos. Kassi revint vite à lui. Il n'avait, il est vrai, aucune blessure ; sur sa tête, il vit, penchée, la figure anxieuse de son ami et se ressouvenant, il pleura silencieusement de joie : celui qu'il aimait tant lui avait sauvé la vie, leur union était indissoluble. (à suivre...)