Universalité Comme les Arabes ou les Chinois, comme les Russes ou les Irlandais, comme les chrétiens ou les juifs, les Berbères ont, eux aussi, un calendrier. Le calendrier est une manière de calculer les mois, de fixer les saisons, de déterminer l?année, l?année berbère. Ce calendrier, d?essence agraire et en avance de 950 ans sur le calendrier universel, est basé à la fois sur les saisons et les différents cycles de végétations qui déterminent les moments des travaux agricoles, ainsi que sur le positionnement des astres. Il est une transcription en symboles des cycles et périodes agricoles, avec des noms désignant ce qu?il faut faire et dire à des moments recommandés pour l?accomplissement de chaque tâche. Toutefois, le calendrier berbère ne consiste pas uniquement à établir un repère temporel, il se trouve qu?il est, aussi, une référence culturelle, voire identitaire à laquelle la communauté berbère s?identifie. L?on parle d?emblée de miroir. Une surface réfléchissante à travers laquelle se miroitent des habitudes et des mentalités. Autrement dit : le calendrier chez les Berbères, à l?instar des autres civilisations, renvoie à un certain nombre de pratiques et de valeurs sociales, de croyances culturelles et de rites et de cultes religieux. En fait, le calendrier, une référence, détermine les moments, le jour et la date, qui amène la communauté à observer sa spécificité et à exercer son identité. Ainsi, un calendrier est plus qu?un système de division du temps en années, en mois et en jours, il est l?identité d?une collectivité, une autre manière de dire, de se nommer, d?exister en tant que spécificité, en tant que collectivité à part entière, avec ses modes d?expression et ses mécanismes de gestion, avec ses particularités et ses composantes, son comportement et ses man?uvres, sa pensée et ses manifestations. Il s?agit d?emblée d?un ensemble d?éléments culturels et sociaux, qu?une société s?arroge le droit de s?attribuer, et par lequel elle se définit et se différencie d?une autre société. Des données par lesquelles l?on peut observer, décrypter, décrire et analyser une société tant sur le plan anthropologique que sociologique ou psychologique. Le calendrier explique une communauté, un peuple, une nation, il vient parler de son existence, de son histoire, de son identité, de son humanité et de ses ambitions ; et c?est dans ce cadre et dans cette visée que les collectivités d?origine berbère sont enclines à célébrer Yennayer (jour de l?an berbère). Se rappeler le calendrier berbère, l?observer, fêter notamment la nouvelle année, c?est d?abord prendre conscience de son appartenance à une collectivité caractéristique, à un tissu social chargé de valeurs, à une communauté ?uvrant ? et évoluant ? dans un espace qui lui est propre, donc se rendre compte de son existence en tant que telle, ensuite, c?est une manière d?affirmer sa présence aux côtés des autres qui sont différents de soi. Prendre [officiellement] en considération ce calendrier, c?est aller de l?avant, marcher, progresser dans l?histoire, c?est renouer avec l?Histoire, avec son histoire, donc avec soi, c?est faire face à l?oubli, c?est relever les défis du présent, c?est affronter l?incertitude du futur. Un calendrier peut contribuer, par ailleurs, à concevoir et à mettre en pratique le(s) mythe(s) fondateur(s) d?une nation. Il peut être utilisé comme la base sur laquelle seront érigés les principes d?une nation et installés ses fondements. Les républicains au lendemain de la Révolution française de 1789 ont exprimé le besoin de changer le calendrier en usage à l?époque et de le substituer, en 1792, à un calendrier républicain. Ce calendrier vient formuler, fixer, préciser et renforcer la personnalité politique et l?identité sociale de la nation, lui attribuant à cet effet ses valeurs, ses repères et ses caractéristiques. Toutefois, ce nouveau calendrier fut aboli par Napoléon Bonaparte, et aussitôt remplacé par le calendrier grégorien, c?est-à-dire le calendrier universel que nous connaissons tous aujourd?hui.