Résumé de la 6e partie n Elisabeth Cochrane alias Nellie Bly veut faire le tour du monde en 80 jours comme Phileas Flogg le héros de Jules Verne.... L'équipe du World se mobilise autour d'elle pour tout mettre au point et, le 14 novembre 1889, c'est le grand jour. Une foule de journalistes accompagnent Nellie Bly sur les quais de New York où elle va prendre le transatlantique. Elle est vêtue d'un élégant manteau à carreaux noirs et blancs, coiffée d'une casquette d'allure sportive et porte à la main une mallette à soufflet dans laquelle elle n'emporte que le strict nécessaire : du linge, trois voilettes – car elle reste coquette –, son passeport et deux cents livres or, avec lesquelles elle achètera le reste en route. Elle a aussi un objet que Joseph Pulitzer a fait fabriquer spéciale-ment pour elle une montre affichant vingt-quatre heures au lieu de douze. Elle n'aura pas droit à plus de quatre-vingts tours de cadran. L'édition spéciale du World, qui s'est arrachée dans tout le pays, décrit en détail le trajet prévu : Londres, Paris, Brindisi, Suez, Ceylan, Singapour, Hong-Kong, Yokohama, San Francisco, New York. Dans cet itinéraire est prévue une étape insolite entre Londres et Paris, qui va lui occuper une journée entière Amiens. Pourquoi Amiens ? Parce que c'est là qu'habite Jules Verne et que Nellie a tenu à lui rendre cet hommage, quitte à perdre du temps. Enfin, la sirène de l'«Augusta Victoria», qui va l'emmener à Londres, retentit. Elle prend la pose sur la passerelle, pour les photographes et la postérité. L'huissier chargé de contrôler officiellement la course, déclenche son chronomètre : il est 9 heures 40 minutes et 6 secondes. La traversée se passe sans incident, de même que le trajet de Londres au Havre. Là, Nellie Bly prend le train d'Amiens et c'est pour elle le moment le plus émouvant de son voyage : la rencontre avec Jules Verne. Le grand homme est allé l'attendre sur le quai. Il a soixante ans, mais il en paraît un peu plus, avec sa barbe et ses cheveux blancs. Lui aussi est ému en la voyant. Il l'embrasse gauchement sur les joues. Ce qu'il avait imaginé se réalise. Son rêve est en train de prendre corps. Mais quel corps ! Celui d'une jeune fille de vingt-deux ans. La réalité, comme toujours, dépasse la fiction : Phileas Fogg est une demoiselle. Tous les deux partent pour la demeure de l'écrivain. Elle lui raconte ses projets, ses espoirs. Il lui montre la formidable documentation qu'il avait amassée pour écrire son livre. Bien sûr, une bonne partie est dépassée, car Le Tour du monde en quatre-vingts jours date de 1873, mais Nellie Bly y puise plusieurs idées qui lui seront utiles et, lorsque le lendemain elle quitte l'écrivain, celui-ci lui lance : — Vous réussirez, j'en suis sûr ! La suite ressemble à un film en accéléré. Le principal problème de Nellie est de donner des nouvelles à son journal. Par lettres, il n'en est pas question : elles sont acheminées en bateau, dans des conditions incertaines et elles arriveraient peut-être après elle. Il n'y a que le télégraphe qu'elle peut utiliser, et plus elle s'éloigne, plus la chose devient difficile. Par exemple, à Brindisi, elle court à la poste centrale. — Je voudrais envoyer un câble à New York. Mais l'employé lui répond : — New York ? Où diable cela se trouve-t-il ? Nellie Bly parvient quand même à envoyer son câble, mais ce sont les dernières nouvelles qu'elle expédie au World. Pour elle, tout se passe bien : en bateau et en train, elle parcourt les étapes prévues. Elle est même en avance sur ses prévisions. Le problème est que personne ne le sait. Dans les colonnes du World, les articles ne sont pas optimistes et la même question revient : «Où est Nellie Bly ?» (à suivre...)