Résumé de la 1re partie n Tagwayi est bel homme mais il a un défaut, il compte tout et même les cuillerées quand sa femme le sert, ce qui lui cause le divorce d'avec toutes les femmes qu'il épouse... Tagwayi se redresse. Il compte ses pas jusqu'à la porte de sa case : un, deux, trois, quatre. Il compte ses pas tout en faisant son baluchon : cinq, six, sept, huit. Il compte ses pas jusqu'au chemin : neuf, dix, onze, douze, treize. Et le voilà parti pour le village voisin : quatorze, quinze, seize... Tagwayi marche, marche en comptant ses pas. De temps à autre il jette un coup de pied à quelque touffe de chiendent. Au-dessus de sa tête, un calao lance son cri : «Chiline chiline ! Chiline Chiline !» Tagwayi compte les appels du calao (oiseau des forêts chaudes). Ah, un compte rond, voilà qui est parfait ! Tagwayi est sûr de se trouver une femme. Et Tagwayi s'est bel et bien trouvé une femme, même s'il a dû, pour la dénicher, voyager plus loin que jamais. : — C'est le plus beau jour de ma vie, chante Tagwayi. Je me suis trouvé une femme. «Chiline chiline ! Chiline chiline !» approuve le calao. Tagwayi est pressé de rentrer. Il prend sa nouvelle femme par la main. — En route — Et si nous attendions demain matin ? dit sa femme. Il va faire nuit, nous risquons de nous perdre. — Oh, non, dit Tagwayi. Je connais le chemin, et la lune guidera nos pas. D'ailleurs, tu connais le proverbe : «La main qui tient la cuiller pleine trouve toujours le chemin de la bouche.» Ce n'est pas une cuiller, pleine que tient Tagwayi, mais la main de sa nouvelle femme. Il est si content de l'avoir trouvée qu'il ne risque pas de se perdre non plus. Et il avait raison : la lune est là, qui éclaire le chemin. Tagwayi est un autre homme. Il est si heureux, chaque matin, en route pour ses champs, qu'il fredonne en marchant : Deux fois dix Plus cinq fois cinq, Quarante-cinq. J'ajoute un, je retire trois, Quarante-trois. Je retire treize, je retire dix, Et je retrouve deux fois dix ! Les gens du village l'entendent et se disent : «Tiens, il a le cœur content !» Car Tagwayi a beau compter sans relâche, il faut qu'il soit d'excellente humeur pour mettre les nombres en musique. Mais d'excellente humeur, il l'est. Et il a de quoi l'être : il a de nouveau une femme, une femme qui cuisine bien. Il se sent le cœur si léger qu'il avance à pas chassés. De retour des champs, chaque soir, il regarde sa femme s'activer, broyer le grain, le cribler, le broyer de nouveau, le cribler. Il compte combien de fois elle répète chacun de ses gestes, jusqu'à ce que la farine soit assez fine pour le tou-wôh (plat africain). (à suivre...)