Résumé de la 3e partie n Raphaël Mattar réalise des projets au profit des indigènes qui l'apprécient et le respectent au point de ne plus chasser que pour se nourrir. Mais il y a toujours des braconniers qu'il ne voit jamais ... Ce ne sont pas de méchants Blancs, comme on le montre dans les films ou les bandes dessinées, ce sont des Noirs, de pauvres Noirs qui font cela pour gagner un peu d'argent, mais Raphaël Matta décide de ne pas leur accorder de répit. Entre eux et lui, désormais, ce sera la guerre. Il continue donc. Toujours suivi par son fidèle Sogli, il parcourt en tous sens sa réserve. Escaladant des hauteurs, parfois des arbres, il scrute sans cesse l'horizon avec ses jumelles et, dès qu'une fumée suspecte apparaît, dès qu'un vol de vautours signale une carcasse, il se précipite. Il tient le coup physiquement, malgré la dysenterie qui lui tord le ventre, malgré le paludisme, qu'il a contracté dès son arrivée et qui lui inflige des crises de plus en plus graves. Son sens de l'orientation, dans cette forêt touffue où on ne peut se repérer que sur le soleil en permanence voilé par les feuilles, est particulièrement remarquable. Plus que jamais, il est Congo Massa, le roi de la forêt. Malgré cela, il n'est pas le plus fort. En 1957, il doit demander à l'Administration de modifier son estimation de la faune. Il a constaté que quarante éléphants, cent cinquante hippopotames et cinq mille bovidés sauvages avaient été abattus dans la réserve de Bouna. Et il conclut son rapport en annonçant son intention d'intensifier la lutte. La réponse de son supérieur à Abidjan ne se fait pas attendre. Elle est sèche et péremptoire : «Vous pourrez vous considérer comme démis de vos fonctions, si des victimes étaient à déplorer du côté des braconniers.» Raphaël Matta va-t-il se laisser intimider par cette menace ? C'est mal connaître le caractère entier et passionné qui a toujours été le sien. Mais sans doute aussi le paludisme, qui ne cesse de faire des progrès chez lui, a-t-il altéré quelque peu son jugement, car voici la lettre qu'il envoie à son supérieur : «Monsieur, tout le monde sait qu'aujourd'hui il n'est plus possible de m'expulser de Bouna sans le secours des baïonnettes et qu'alors les conséquences seraient imprévisibles. Je suis tout-puissant parce que ma foi soulève des montagnes et parce que je suis honnête. Bouna, c'est moi. Malheur à ceux qui essaieront de me barrer la route !» Et Raphaël Matta prend l'opinion à témoin. Il adresse à des dizaines de journalistes des lettres où il résume ses idées de manière pathétique : «Auschwitz, Oradour, Hiroshima : partout rien que des hommes ! Les éléphants n'y étaient pas. Ils sont innocents. Et maintenant, c'est ici que se poursuit le massacre...» Il préconise la création d'un Parlement mondial pour la défense de la nature. Il propose que chaque espèce menacée ait son député et il revendique pour lui-même la représentation des éléphants. Raphaël Matta veut devenir le député des éléphants ! En réponse, il reçoit, dans le meilleur des cas, quelques paroles prudentes et, le reste du temps, c'est le silence. (à suivre...)