Résumé de la 4e partie n Malgré les menaces de ses supérieurs, Raphaël Matta écrit à de nombreux journalistes et se propose d'être le député des éléphants... Alors il part en guerre, seul avec Sogli et un petit groupe de Noirs. Il multiplie les commandos. Il traque les braconniers, surgit en plein milieu de leurs camps, éteint leurs feux, détruit leurs tentes, confisque les défenses et les fait prisonniers. Mais il n'a pas les moyens matériels de les surveiller, ils s'enfuient et recommencent. Depuis un bon moment déjà la personnalité de Raphaël Matta indisposait l'Administration d'Abidjan, cette fois elle est décidée à ne plus tolérer sa façon de faire. Car la politique s'en mêle. Nous sommes en septembre 1958. Un référendum va avoir lieu sur la Constitution de la Ve République et il importe que le résultat soit positif, même dans les endroits les plus reculés d'Afrique. Or les braconniers que traque Matta appartiennent aux tribus de sa réserve. Ils sont électeurs et il ne faut surtout pas les mécontenter. La nouvelle mise en garde de l'Administration est particulièrement nette : «Cessez d'indisposer les tribus indigènes sous peine de révocation.» Encore une fois, Raphaël Matta n'en tient aucun compte. Il monte même une expédition éclair particulièrement audacieuse. Il saisit des défenses, des armes, fait des prisonniers. Il s'est constitué autour de lui une véritable troupe qui lui obéit aveuglément. Pour ces hommes, il est Congo Massa, le roi de la forêt, dont l'entente avec les animaux tient de la magie, et ils le suivront jusqu'au bout. Il écrit au journaliste Dominique Lapierre, qui était déjà venu l'interroger sur place : «J'ai deux camions bâchés remplis d'hommes et d'armes dans la forêt. Ils se mettent à ma disposition pour défendre les éléphants quelles qu'en soient les conséquences... Peut-être comparaîtrez-vous bientôt devant le tribunal de votre conscience, quand mes amis et moi monterons sur l'échafaud. Vivent les éléphants !» Et il signe : «Raphaël Matta, député des éléphants devant le Parlement mondial...» Quelques jours plus tard il se trouve dans un village lorsqu'il assiste à une cérémonie bizarre, sorte d'affrontement rituel avec des jeunes gens d'un village voisin. L'atmosphère est si tendue, l'excitation est si grande qu'il craint un incident. Il veut intervenir. Sogli essaye de l'en empêcher. — N'y va pas, ils ont bu du dodo. Ils ne savent pas ce qu'ils font ! Le dodo est cet alcool de mil couleur de caramel que préparent les sorciers et qui fait perdre la tête, mais Raphaël Matta n'en tient pas compte. — Je ne risque rien. Je suis Congo Massa. Cette fois, son prestige ne le protège pas. Il y a une mêlée confuse et, quand elle se dissipe, Matta est à terre, percé de flèches empoisonnées. Ainsi est mort, dans des circonstances obscures, Raphaël Matta, le «député des éléphants», qui a passé aux yeux de ses contemporains pour un original, voire un illuminé, mais dont l'action et les propos nous paraissent aujourd'hui singulièrement prophétiques.