Un homme, dont les doigts étaient rongés par la lèpre, vivait de la vente de ses poulets. Chaque jour, il allait chercher des termites pour les nourrir. Un matin, alors qu'il longeait le fleuve, il arriva près d'un grand arbre où un rapace avait fait son nid et pondu ses œufs. — Pourquoi ramasses-tu des termites ? lui demanda l'oiseau. — J'élève des poulets, répondit l'homme. Les termites me servent à les engraisser. Je n'ai pas la possibilité de faire un autre travail, car mes doigts sont coupés. — Accepterais-tu de protéger mes œufs si je te rendais tes doigts ? demanda le rapace. — J'accepte, dit l'homme avec empressement. L'oiseau le saisit alors à l'aide de ses serres et l'emporta au ciel. Puis il le laissa retomber. Lorsqu'il se releva, l'homme constata avec joie qu'il avait retrouvé ses doigts. — J'ai le pouvoir de te donner tout ce que tu désires, déclara le rapace. Que souhaites-tu donc ? — Des femmes ! dit l'homme. L'oiseau s'envola et revint avec dix femmes dont il lui fit présent. — Que veux-tu encore ? — Plusieurs chevaux ! répondit l'homme. Le rapace s'envola encore et rapporta vingt chevaux racés. L'homme demanda aussi de l'or et des captifs pour cultiver ses champs. L'oiseau lui accorda tout ce qu'il voulait. Et il fit de lui un roi. — J'espère, dit le rapace, que tu te souviendras de tout ce que je-t'ai donné. En échange, tu m'as promis de protéger mes œufs. Tiens ta promesse et veille bien sur eux. Chaque matin, l'homme allait s'asseoir sous l'arbre où l'oiseau avait fait son nid. Comme il était devenu roi, des griots l'accompagnaient et faisaient de leur mieux pour le divertir. En fin de journée, il les récompensait en offrant à chacun le présent de son choix. Les griots choisissaient généralement quelques pièces d'or ou, parfois, une vache. Mais un soir, l'un d'eux exigea les œufs du rapace dont le roi avait la garde. — C'est impossible, déclara le souverain. Choisis autre chose. — Ce sont ces œufs que je veux, dit le griot. — Non! reprit le roi. Alors tous ceux qui étaient présents protestèrent. Et les vieux sages déclarèrent que, si le griot maintenait sa demande, il faudrait couper l'arbre et lui donner les œufs. — J'interdis qu'on y touche, s'écria le roi. Pourtant, malgré son interdiction, les griots, armés de haches, commencèrent à couper l'arbre très tôt le lendemain, pendant que le roi dormait encore. Le rapace était déjà parti chasser. Il entendit les coups de hache et retourna rapidement vers son nid. Il arriva au moment où l'arbre s'abattait, brisant les œufs dans sa chute. Fou de rage, l'oiseau se rendit chez le roi qui venait de se lever. Il le saisit à l'aide de ses serres et l'emporta. Arrivé à l'endroit où il l'avait laissé tomber la première fois, il le lâcha de nouveau. Lorsqu'il se releva, l'homme s'aperçut que ses doigts étaient comme par le passé, rongés par la lèpre. — Tu ne retrouveras jamais ni tes doigts ni les biens que je t'avais donnés, dit l'oiseau, car tu n'as pas su tenir ta promesse.