Il est surpris, car il pensait que le choc l'avait fait se bloquer définitivement. Intrigué, il reprend la pierre qui l'avait frappé, un gros caillou de couleur jaune et il l'approche de l'instrument. Instantanément l'aiguille se met à s'affoler et, lorsqu'il pose la pierre contre l'appareil, elle se bloque de nouveau à l'autre bout du cadran. Fébrilement il remonte la pente. Il n'ose pas encore comprendre ce qui vient de se produire. Mais si ! Le scintillomètre n'est en aucune manière endommagé. A mesure qu'il monte, l'aiguille monte également. Lorsqu'il arrive en haut de l'éboulis, il se trouve en face d'une cavité naturelle, une sorte de long couloir, dont les parois sont faites de pierres de couleur jaune, de cette teinte tirant sur le marron qui est celle de la pechblende. L'aiguille du scintillomètre est de nouveau bloquée au maximum et les parois de la cavité s'étendent à perte de vue. Il a découvert une gigantesque mine d'uranium ! Effectivement Vernon Pick a découvert la plus grande mine d'uranium connue à ce jour. Normalement, il n'avait pas les provisions suffisantes pour rentrer à Hanksville. Mais les forces morales l'emportent de loin sur les forces physiques. L'enthousiasme de sa découverte lui donne des ailes et il arrive à l'hôtel du vieux Billy presque en bonne forme. La suite ressemble à un conte de fées. Il se rend à Cedar City, la ville la plus proche, d'où dépend la région de la Rivière de Boue. Il a deux démarches à faire : d'abord enregistrer sa concession. Aux Etats-Unis, la terre appartient à celui qui l'occupe le premier. Or personne n'est jamais allé jusqu'à cet éboulis. Pour un dollar, Vernon Pick en devient propriétaire. Ensuite, il se rend à un cabinet de géologue, car il y en a un à Cedar City qui s'est ouvert pour les prospecteurs. Là, il apporte un gros caillou jaune, celui précisément qui a frappé son scintillomètre. La réponse lui parvient trois jours plus tard : il s'agit de pechblende radioactive à 3,5%. C'est le plus riche minerai d'uranium jamais découvert dans le monde. A partir de là, le conte de fées s'est poursuivi. Vernon Pick a vendu sa mine en octobre 1954 au banquier Floyd Olum, pour la somme astronomique de 10 millions de dollars. Et le plus extraordinaire, c'est que peu de temps après on lui aurait acheté sa découverte pour un prix bien inférieur, presque dérisoire. En effet, d'autres filons ayant été découverts, on est vite arrivé à une situation de surproduction d'uranium et, en 1967, la mine de la Rivière de Boue a été abandonnée, devenue trop peu rentable. Mais cela, Vernon Pick s'en moquait bien ! Il était riche. Lui qui avait construit sa première maison de ses mains vivait dans une villa de rêve en Floride et il était peut-être plus célèbre encore. Son histoire avait fait le tour du pays, il était devenu l'exemple même du héros américain. Et aujourd'hui, s'il est oublié avec le temps, aux dernières nouvelles, il est toujours en vie. Quand on a résisté aux scorpions de l'Utah et à l'arsenic de la Rivière de Boue, on est bâti pour devenir centenaire !