Engourdissement En rentrant chez lui ce jour-là, Merouane n?affichait pas le même entrain que d?habitude. Fayçal ajuste son lance-pierre. C?est un tout petit caillou qu?il a collé à son caoutchouc. «Je vais leur apprendre à ne pas me laisser jouer avec eux...» «Eux», c?est une bande de garçonnets occupés à jouer aux billes sur l?esplanade d?El-Mansourah, sur les hauteurs de Constantine. «Aïe !» Merouane lâche sa bille multicolore et porte la main derrière son oreille. Ses camarades le regardent, étonnés. Eux aussi ont entendu le claquement sec du caillou. Ils se retournent tous ensemble du côté opposé au jet. Mais il n?y a personne. Fayçal a disparu. Merouane frotte un moment sa nuque et reprend son jeu. Fayçal, caché derrière un mur, risque à nouveau un ?il en direction du groupe. «Mince ! pense-t-il, je n?ai touché personne.» Il veut recommencer, mais se ravise. «Ils sont trop loin», pense-t-il et il retourne chez lui en sautillant sur l?asphalte, son cartable dansant sur son dos... Merouane joue pendant plus d?une heure, et le groupe d?enfants se disperse comme une nuée de moineaux. Il est près de six heures. Quand il rentre chez lui, sa mère le gronde, comme à chaque fois qu?il ne rentre pas directement de l?école. ? Viens d?abord, pose ton cartable, prends ton goûter et fais tes devoirs... C?est la centième fois que je te le dis ! Tu ne m?écoutes pas. ? Je ne vais pas faire mes devoirs tout de suite, je suis fatigué... Je vais me reposer d?abord. ? Non ! Tu as assez traîné comme ça ! Ouste ! Si dans cinq minutes tu n?es pas au travail, tu seras puni ! Allez ! Et sa mère lui montre, d?un geste autoritaire, la table de la salle à manger où il a l?habitude de travailler. Merouane, de mauvaise grâce, s?exécute. Rassurée, sa mère entre dans la cuisine pour achever la préparation du repas... Pendant un long moment, la maison est silencieuse. Puis la mère jette un coup d??il depuis la cuisine, pour s?assurer que son fils n?a pas désobéi. Merouane, la main sous sa joue, la tête posée sur la table, semble dormir. Sa petite main tient le stylo sur son cahier, mais elle est immobile. Intriguée, sa mère s?approche. ? Tu est fatigué, Merouane ? Il ne répond pas, et elle se met à le secouer... Merouane ouvre les yeux, la regarde, hébété, et répond mollement : ? Mama, je veux dormir, je suis fatigué. ? Pourtant, tu n?as pas eu sport aujourd?hui ! Bon, viens te reposer dans ton lit un moment, mais juste un peu, tu dois faire tes devoirs... Il se lève difficilement, elle lui prend le bras et l?emmène dans sa chambre. Il s?étend sur son lit. Sa maman veut lui enlever les chaussures, mais se ravise. «Je ne le laisserai qu?une petite heure», pense-t-elle. L?enfant s?endort aussitôt. (à suivre...) H. B.