Résumé de la 34e partie n Pendant le repas, la conversation tourna sur le passionnant sujet de l'espionnage et des espions… Au rythme précipité, haletant, de sa respiration, il comprit qu'elle était encore sous le coup d'une violente émotion. Il lui offrit une cigarette, qu'elle accepta. — C'est une belle nuit, dit-il. — Ça pourrait l'être, répliqua-t-elle d'un ton âpre. Il la fixa, dubitatif. Et soudain il ressentit toute la vitalité de la jeune fille, tout son pouvoir de séduction. La vie grondait en elle comme un torrent impétueux. Il se dégageait d'elle une étonnante force d'attraction. C'était le type même de la fille pour laquelle un homme pouvait perdre la tête. — S'il n'y avait pas la guerre, voulez-vous dire ? demanda-t-il. — Ce n'est pas du tout à cela que je pensais. Je hais la guerre. — Comme nous tous. — Mais pas de la même façon que moi. Je hais le langage hypocrite qu'on emploie pour en parler, je hais toutes ces conventions – et, par-dessus tout, cet abominable, ce monstrueux patriotisme. — Le patriotisme ? sursauta Tommy. — Oui. J'exècre le patriotisme, vous comprenez ? La patrie, la patrie, la patrie ! Trahir la patrie..., mourir pour la patrie... servir la patrie ! Mais enfin, qu'est-ce que ça veut dire, la patrie ?... — Je ne sais pas, répondit Tommy avec douceur. Mais ça a un sens. — Pas pour moi ! Oh ! pour vous, oui, certainement... Vous partez au bout du monde, vous faites votre petit commerce aux quatre coins de l'Empire britannique, et puis vous revenez, le teint boucané et la tête pleine de clichés, déblatérant sur le compte des indigènes, vous gargarisant sur leur impérieux besoin des Blancs civilisateurs et tout le baratin. — J'espère que je vaux tout de même mieux que ça, murmura Tommy. — Oh ! je reconnais que j'exagère un peu... Mais vous savez bien à quoi je fais allusion. Vous avez foi dans l'Empire britannique et vous croyez à cette stupidité de la mort pour la patrie. — Ma patrie, ironisa Tommy, ne me paraît pas vraiment pressée de me voir mourir pour elle. — Oui, mais vous ne demandez que ça. Et c'est ça qui est stupide ! Il n'est rien pour quoi il vaille qu'on meure. Tout ça, ce ne sont que des idées... du bavardage, du vent, des mots creux, des sornettes de la plus belle eau. Ma patrie n'a aucune signification pour moi. — Un jour, vous serez bien étonnée de découvrir qu'elle signifie quand même quelque chose. — Non. Jamais. J'ai trop souffert... j'ai trop vu... Elle s'interrompit. Puis, tournée vers lui et soudain brutale : — Vous savez qui était mon père ? — Non, répondit Tommy, l'intérêt brusquement en éveil. — Il s'appelait Patrick Maguire. Pendant la dernière guerre, il faisait partie... il faisait partie du groupe de sir Roger Casement, tous ces gens qui se battaient pour l'indépendance de l'Irlande. Et il a été fusillé, comme traître ! Tout ça pour rien ! (à suivre...)