Ce n'est pas par hasard que Bouteflika a déclaré, hier, à Béjaïa, qu'il voulait ouvrir une nouvelle page avec la région. Il est vrai qu'avec la Kabylie dans son ensemble et en particulier avec Tizi Ouzou qu'il visitera ce vendredi pour faire sa campagne électorale, les relations n'ont jamais été jusqu'ici «normales». Les autres candidats qui n'ont pratiquement pas de militants dans la région, à l'exception de Louisa Hanoune, sont invisibles. En effet, seuls les posters de Bouteflika tapissent les murs de la ville des Genêts qui s'apprête à recevoir demain ce candidat. Celui-ci y effectuera sa quatrième visite. La première rencontre a eu lieu en 1999 au théâtre Kateb-Yacine où il avait animé un meeting en tant que candidat à l'élection présidentielle. Il y reviendra quelques mois plus tard durant la même année pour animer une conférence de presse à la salle omnisports Saïd-Tazrout où il réussira à fâcher la population en déclarant : «Moi Président, jamais tamazight ne sera langue nationale. Et si elle doit l'être se sera par voie référendaire.» Déja il avait commis une «boutade» en déclarant à partir de Béjaïa : «De loin je vous voyais lions, mais vous êtes des nains». C'est alors le début d'un conflit entre lui et la Kabylie. Après avoir passé une grande partie de son premier mandat à redonner à l'Algérie sa place dans le concert des nations et briser l'isolement dans lequel le pays était confiné, le Président se consacre aux problèmes des différentes régions du pays. La Kabylie était en plein soulèvement (avril 2001). Pour tenter d'apaiser la situation, il satisfait une revendication que beaucoup pensaient impossible : le 12 mars 2002 il annonce que tamazight sera constitutionnalisée deuxième langue nationale. Réelu en avril 2004, Bouteflika visite une troisième fois la wilaya de Tizi Ouzou. La volonté du Président de se réconcilier avec la région se traduit cette fois-ci non pas sur le registre identitaire mais sur l'économique. La wilaya enregistrait un retard considérable en matière de développement et le Président a dégagé les fonds nécessaires pour sa remise à niveau ( 2,5 milliards de dollars). C'est durant ladite visite qu'il décidera de porter la capacité du nouveau stade de la JSK à 50 000 places alors qu'elle était de 40 000 et de dégager les fonds nécessaires pour porter le taux de raccordement au gaz de ville qui était le plus bas en Algérie (11%) à 60%. Il soulignera lors de son meeting que la Kabylie est le cœur palpitant de l'Algérie. Aujourd'hui, Bouteflika revient vers la Kabylie avec un discours réconciliateur. Hier, à Béjaïa, il est revenu sur les tragiques événements de 2001. Cette démarche de Bouteflika vis-à-vis de la Kabylie fera dire à El-Hadi Ould Ali, son directeur de campagne à Tizi Ouzou qui a animé hier un point de presse, que la visite de celui-ci ce vendredi «sera un véritable déclic à tous les niveaux (...) et peut-être l'occasion d'apporter des solutions à l'ensemble des difficultés quotidiennes de la population». Dans cette relation tumultueuse entre Bouteflika et la Kabylie, la rue tizi-ouzéenne est loin d'être indifférente et se demande : «Que dira-t-il cette fois-ci ?»