Résumé de la 5e partie n L'étranger raconte, furieux, comment il vient de perdre son procès et par la même son poulain... Puis qu'on lâche le poulain : s'il va vers cet homme, c'est qu'il lui appartient, j'ai menti et je suis prêt à subir le châtiment que votre justice jugera bon de m'infliger. Mais, si le poulain va vers la mule, alors je pense que la cause est entendue et je demande que justice me soit rendue. «Il parla ainsi parce qu'il savait que, pendant tout le temps qu'avait duré notre voyage de compagnie, il avait tout fait pour habituer les deux animaux l'un à l'autre et les rendre inséparables. Mais le roi n'avait pas d'autre moyen de décider. Il donna l'ordre d'amener les deux montures et ce qui devait arriver arriva : dès que le poulain eut vu la mule, il courut vers elle en gambadant et tous les deux commencèrent à se mordre et à se pourlécher. «Les conseillers du roi, le roi lui-même se sont mis à rire. Ils ont attribué le poulain au bon apôtre qui, pendant toute cette scène, se tenait modestement dans un coin, pendant que j'enrageais. J'ai été de plus condamné à payer une forte amende, qui m'a délesté du peu d'argent qui me restait encore, si bien que me voilà étranger, seul et à peu près complètement démuni, dans cette ville où de surcroît je ne connais personne. A mesure que l'homme déroulait les péripéties de sa malheureuse aventure, le cœur de la reine se soulevait d'indignation. Aussi, dès qu'il eut fini, s'approcha-t-elle du bord de la terrasse et l'interpella-t-elle : — Tout n'est pas perdu, étranger. Les deux hommes levèrent la tête en même temps pour voir d'où venait la voix, mais ils ne virent rien. — Vous n'avez pas besoin de me voir, dit la reine, l'essentiel est que vous m'entendiez et que vous vous conformiez très exactement à ce que je vais vous dire. — Mais l'affaire a été jugée, dit l'étranger. — Qu'importe ? La bonne foi du roi a été surprise, car tu n'as pas su défendre ta cause. — Comment le saurais-je davantage une autre fois ? — En faisant ce que je vais te dire. L'étranger ne demandait pas mieux que de croire cette voix qui descendait du ciel, car, après le paiement de son amende, il était réduit à la dernière extrémité. — Vous me sauveriez la vie, dit-il. — Demain, dit la reine, tu vas te présenter de nouveau au tribunal du roi. Il te demandera ce que tu veux encore et tu lui diras : «Sire, j'ai planté près de la rivière un carré de fèves. Mais les poissons sont sortis et me l'ont mangé.» Il te dira : «Tu es un imposteur, car tu sais bien ce que l'on dit, que le jour où les poissons sortiront de l'eau ce sera la fin du monde.» Alors tu lui répondras : «Il est vrai, Sire, mais ne dit-on pas aussi que le jour où les mules auront des poulains le monde sera détruit ?» L'étranger était transporté de joie. Il chercha à voir celle qui lui parlait ainsi, pour l'assurer de sa gratitude, mais elle avait disparu. Le lendemain il se présenta dès l'aube devant le tribunal et attendit patiemment que le roi sortît de ses appartements pour rendre la justice. Celui-ci, en effet, ne tarda pas, mais, dès qu'il l'eut vu, oubliant les autres plaignants, il s'adressa directement à lui. (à suivre...)