Résumé de la 6e partie n Sur conseil de la reine qui lui a dit qu'une mule ne peut mettre bas un poulain, l'étranger se rend chez le roi pour contester sa décision... Encore toi ? cria-t-il. J'ai déjà jugé ton cas hier et tu as été condamné. Puis, se tournant vers ses serviteurs : — Qu'on lui donne vingt coups de fouet, pour oser se représenter devant le tribunal après justice rendue. — Sire, s'écria l'étranger, je demande grâce à Votre Majesté, car ce n'est pas pour l'affaire d'hier que je viens. — C'est pour une autre ? Mais... tu es un mauvais coucheur... Que t'est-il encore arrivé ? — Sire, vous me voyez réduit à la dernière extrémité, car j'avais planté un carré de fèves près de la rivière. Le moment venu de les récolter, des poissons sont sortis de l'eau et les ont toutes mangées. Sire, je n'avais rien d'autre et je viens porter plainte devant votre justice. Le roi se tourna vers son conseil : — Que vous semble de ce cas ? Après délibération, les conseillers décidèrent qu'il fallait tendre un filet dans la rivière pour attraper les poissons voleurs. Le roi aussitôt s'adressa à ses gardes : — Qu'on arrête tout le monde, le plaignant et les conseillers. Comme les gardes ne comprenaient pas et hésitaient à arrêter les vénérables conseillers du royaume, le roi leur dit : — Cet homme prétend que des poissons sont sortis de la rivière pour lui manger ses fèves ; mes conseillers, quand j'en réfère à eux, ne trouvent rien d'autre à me recommander que de tendre un filet pour les attraper. Avez-vous oublié ce que l'on dit ? Les gardes et les conseillers restaient muets. — Ne dit-on pas, continua le roi, que, le jour où les poissons sortiront de l'eau, ce sera la fin du monde ? L'homme aussitôt se précipita pour embrasser les genoux du roi et implorer son pardon. — Il est vrai, Sire, dit-il, on dit cela des poissons, mais Sire, de grâce, ne dit-on pas aussi que, le jour où les mules auront des poulains, les temps seront révolus ? Le roi sursauta comme si on l'éveillait d'un mauvais rêve. Il passa sa main sur son front. — Il est vrai, je l'avais oublié et je te remercie, étranger, de m'en avoir fait souvenir. Mais pourquoi ne me l'avoir pas rappelé dès hier ? — C'est seulement cette nuit que je m'en suis avisé. Le roi regarda le plaignant et douta qu'il eût pu imaginer le stratagème qui lui avait permis de rétablir la vérité et de gagner son procès : — Mais, dit-il, l'histoire des poissons et de ton champ de fèves, tu ne l'as pas trouvée tout seul ? L'homme jugea préférable de ne pas cacher la vérité au roi : — Sire, une voix du ciel me l'a inspirée. — Du ciel ? cria le roi. Te rends-tu compte, étranger, que tu es en train de blasphémer ? Prétendrais-tu par hasard que le ciel t'a élu pour communiquer avec toi ?. — Loin de moi cette impudence, dit l'homme, mais j'ai dit la vérité. Du reste je n'étais pas seul et si vous me donnez permission d'aller dans la ville, je vous amènerai l'homme qui était avec moi, quand la voix nous est parvenue. - — Où étiez-vous ? demanda le roi. L'homme indiqua l'endroit et dit que la voix semblait sortir des terrasses qui dominaient la place. (à suivre...)