Musique Le public a savouré, à la salle Ibn-Zeydoun la création musicale placée sous le thème de «Gharnata», par Manuel Aguilar dans lequel des Algériens, un Sénégalais et deux Français donnent une perception musicale nouvelle à Grenade. «Ghernata»? ou Grenade ? est une aventure musicale unique et prodigieuse, colorée et timbrée. C?est une rencontre de l?Orient avec l?Occident, un lieu de confluence de cultures diverses, de langages multiples où des voix plurielles et variées aux accents inédits s?expriment, se font tour à tour entendre en arabe comme en espagnol dans un élan mélodique, une atmosphère heureuse, belle et chargée d?harmonie. L?équilibre des voix, l?accord des mélodies, l?esthétique et l?unité de la texture musicale, renforcent l?orchestration des sens, créent une harmonie, une complicité entre les musiciens et donnent à la structure musicale son unicité, sa teneur, alimentant sa substance. Une musique substantielle puisant sa sève dans l?histoire, en ces temps où la conjoncture favorisait le métissage, l?inspiration et la création. La création d?une nouvelle esthétique, de nouvelles musiques. Des voix nouvelles interprètent autrement la note, la modulent avec personnalité et caractère, selon une sensibilité profonde et révélatrice qui fait ressentir des impressions. «Gharnata» est un spectacle musical. Une série de tableaux. De remarquables peintures dont chacune raconte une histoire. Chacun peut imaginer une histoire, représenter différentes scènes selon sa sensibilité. Chacun, aidé par son mental, peut associer à chaque pièce musicale une image. Mêlant les instruments à cordes aux sons des percussions, des voix féminines ou masculines se propagent dans l?espace, s?y déroulent ; elles se font, tour à tour, percevoir par une ouïe attentive aux moindres mouvements, aux moindres accents. Elle capte le son, s?en abreuve jusqu?à l?ivresse, s?en délecte. Son de cordes tendre et caressant, son de percussions puissant et dynamique, tous deux dans un mélange poétique, juste et beau, sont agrémentés par moment par les vibrations douces et légères de la flûte qui, de loin semble-t-il, murmure, balbutie. Son feutré, discret, chuchotement venant admirablement rehausser l?ensemble musical, lui donner d?autres tonalités encore plus truculentes. Une voix se conjuguant au féminin surgit du silence, rompt son silence. Elle se fait souverainement entendre. Voix imposante, prenante, voix suave, veloutée, lascive. Cette voix qui capture, fait choir dans un charme candide. Voix innocente, troublante. Meriem fait un joli istikhbar andalou, d?abord avec sa kouitra douce, charnelle, ensuite avec sa voix si saisissante, si renversante. Un chant magnifique, ineffable, séduit l?assistance, la laisse émue, subjuguée. Bien avant elle, bien avant ce chant céleste, Manuel Aguilar, laisse délicieusement fondre dans l?ouïe un chant de flamenco. D?une voix intense, «musclée» et aussi musicale, il parvient à investir l?espace. Le jeu se poursuit avec Sid Ahmed qui, avec sa mandoline, séduit avec une interprétation vocale pleine de beauté, d?adresse et de distinction. Un chant chaâbi enrichit le tableau, lui donne plus de contenu. «Gharnata», croisement complet et élégant de genres musicaux divers, chaâbi flamenco, maâlouf et même tindi, se prolonge avec d?autres compositions musicales interprétées avec raffinement, passion. Le jeu musical témoigne de la précision du geste, de la maîtrise de l?instrument et d?un savoir-faire certain.