Répétition Installés en cercle dans une grande salle, concentrés sur leurs instruments de musique, les musiciens travaillent dans la bonne humeur. Entrant dans le cadre de Djazaïr 2003, une année de l?Algérie en France, la résidence de création musicale dirigée par Yann Argenton et Manuel Aguilar, directeur de la compagnie Altérité, musique et continent, est constituée de cinq jeunes musiciens algériens, dont certains ont suivi une formation, alors que les autres sont des autodidactes. Tous les sept réunissent leurs efforts, coordonnent leur imagination pour donner lieu à une remarquable peinture musicale, haute en couleur, forte en tonalités. Résidant au Conservatoire de musique de Bologhine, une belle et grande demeure accrochée sur le flanc de la colline, surplombant la mer, et propice à l?inspiration ainsi qu?à la création, Manuel Aguilar et Yann Argenton travaillent toute la journée avec Sid Ahmed, Yacine, Mohamed, Meriem, Yamine sur un projet : créer des compositions musicales inédites. C?est en assistant à l?une de leur journée de travail qu?on les a vus à l??uvre. Manuel Aguilar chante en espagnol, Yann Argenton fait travailler les jeunes musiciens sur ses compositions qui, en partie, font référence à d?autres styles de musique, tels l?andalou et le chaâbi. Ces deux genres musicaux sont exposés à une nouvelle orchestration, intellectuellement imaginée par Aguilar et Argenton. Au cours de la répétition, l?on peut apprécier le son de la flûte qui, sensuel, se fait agréablement entendre, tel un susurrement charnel ; ensuite, et peu à peu, il se mêle tendrement aux cordes de la guitare, comme s?il répond à son appel. Tous les deux dialoguent, s?appellent? Les retentissements de la derbouka si vif si fort viennent interférer, s?associer à ce dialogue mélodique ; et enfin, les cordes du banjo et de la mandoline s?accordent parfaitement aux autres sons qui évoluent dans l?espace dans lequel ils s?inscrivent, avant que le chant saillant d?Aguilar, une voix aux intentions ibériques, gitane, surtout imposante, expressive, n?entre en mouvement. Sur ce beau fond musical, Sid Ahmed lit, d?une voix pondérée et dans une contenance calme, élevée, le texte d?El-Anka, Lehamam Li Rabitou? pour qu?ensuite Meriem, de sa voix fluette et douce, rejoigne l?ensemble de l?orchestre. Elle chante? Son chant est embelli, enrichi, rehaussé par le son agréable de la kouitra qu?elle manie avec art, d?un geste fin et complet. Tous les sept exécutent des gestes, accomplissent des mouvements, donnant ainsi naissance à des mesures exquises qui, se précipitant à l?ouïe, s?y déversent, se lient, se complètent, s?alignent, se combinent en une belle et agréable pièce musicale. Ce jeu si affiné, si élevé n?est qu?un aperçu de ce qui se fait par Aguilar et Argenton avec l?apport de Sid Ahmed, Yamin, Mohamed, Yacine, Meriem, un aperçu qui promet plus qu?une série de tableaux musicaux, mais plutôt une ?uvre. Les répétitions se font dans la convivialité, l?entente mutuelle et la bonne humeur. Les efforts sont conjugués, l?énergie est canalisée, même s?il y a, par moment, fuite, débordement, dispersion.