Constat n Précarité, pauvreté cherté de la vie ou érosion du pouvoir d'achat, l'Algérien ne s'est jamais autant endetté qu'aujourd'hui. Les fins de mois sont difficiles pour la plupart d'entre eux et les repas à la maison (sauf lorsqu'il y a des invités) sont plutôt frugaux et limités aux strictes calories nécessaires. N'importe quels légume, pâte ou féculent, font, en général, l'affaire : macaronis, courgettes, pois cassés, lentilles, fèves et omelettes même. Des pères de famille encore en activité font de la gymnastique tous les jours pour assurer le minimum à leurs enfants. Tout le monde se serre la ceinture d'un cran ou de plusieurs pour sauver les apparences et donner aux autres l'image d'une famille au-dessus du besoin. Parfois deux salaires ne suffisent pas surtout quand c'est la jeune fille qui travaille. Elle économise souvent pour acheter son trousseau. Et si c'est l'aîné qui a la chance d'avoir un emploi et qui trime comme le père, une fois sur deux sa participation aux frais de la maison est purement symbolique dans la mesure où, lui aussi, économise soit pour fonder un foyer, soit pour acheter une voiture. De toutes les façons, l'équation est la même. D'autant que les prix s'emballent partout quels que soient les marchés. Pour l'alimentation par exemple, la pomme de terre est presque devenue un luxe puisqu'elle est taxée à 65 DA le kilo, voire davantage. Du reste, les mercuriales sont partout pareilles. Elles se ressemblent toutes à un détail près. Ne pouvant plus faire vivre décemment leurs enfants, de nombreuses familles n'ont d'autre alternative que de mettre au clou, au mont-de-piété, quelques bijoux de valeur. Mais là encore, en plus de s'endetter – car il faudra bien rembourser le prêt – elles sont obligées de payer des intérêts. Pour éviter les multiples tracasseries administratives qu'une telle opération implique, indépendamment des longues files d'attente qu'il faudrait supporter, des ménages en sont revenus à l'ancien système du carnet qui a toujours eu cours dans notre pays et qui a disparu un moment. Grâce à ce petit carnet, l'épicier, avec lequel ils ont tissé d'excellentes relations de confiance, note journellement tous les produits pris à crédit et à la fin du mois, les premiers s'acquittent de leurs dettes et le second récupère ses créances et le carnet est aussitôt remis à zéro. Pour éviter au père de famille ou à la mère l'humiliation du «carnet» devant les autres clients, des épiciers les cachent par pudeur et notent, en fin de journée, à l'abri des regards indiscrets, les articles pris par tel ou tel client. Un détail qui a quand même son importance : ce genre de carnet n'a cours qu'au niveau des épiceries, c'est-à-dire de l'alimentation générale. On n'a pas encore eu de carnet chez les bouchers de viande fraîche car un tel produit à 900 DA le kilo se paie généralement cash. On ne l'a pas vu non plus au niveau des commerçants de prêt-à-porter… ou des bijoutiers. Quoiqu'il existe chez ces derniers, mais sous une autre forme. Ici le produit est payé à tempérament, mais ce n'est que lorsqu'il l'est intégralement que le client peut le prendre. Jamais avant. Normal, une chaîne en or massif n'a pas le même prix qu'un kilo de pois chiches.