Constat n La foi, l'éducation et le «qu'en dira-t-on» ne constituent plus aujourd'hui un rempart solide contre cet acte tragique qu'est le suicide. La dissimulation en mort accidentelle ou naturelle reste pour de nombreuses familles, accablées par le poids des traditions et de la religion, la seule échappatoire. Elle leur permet, en tout cas, d'éviter les stigmates entraînés par l'acte du membre suicidaire. Pourtant, ce geste d'extrême violence n'engage que le suicidé qui, pour des raisons multiples, a décidé de mettre fin à une quelconque souffrance. Il serait même illusoire de vouloir avancer des arguments pour justifier un tel acte, selon les spécialistes. «Chaque suicide est unique en son genre. Le suicidé avait mal dans sa vie et, à sa souffrance morale, il a préféré la mort», selon le sociologue Emile Durkheim. Si la plupart des cas signalés tiennent leur origine de troubles psychiques, d'autres sont directement liés à la misère et à tout ce qu'elle entraîne comme désillusions, sentiment d'injustice et comportements extrêmes. Mais le passage à cette ultime et triste solution peut aussi intervenir après un événement traumatisant comme le viol et les atteintes à l'honneur et à la dignité. Les dernières statistiques en date remontent à 2007 où il a été enregistré 177 suicides contre 169 en 2006 et 114 en 2005, selon les services de police. Dans 70% des cas, le suicidé a choisi la pendaison pour mettre fin à ses jours. Viennent ensuite l'empoisonnement et les armes à feu et blanches. Ces données confirment, de toute évidence, le constat fait par de nombreux journaux selon lesquels le phénomène prend de l'ampleur. Une lecture à laquelle adhèrent, d'ailleurs, de nombreux spécialistes qui parlent de chiffres en deçà de la réalité. «Les chiffres avancés ne sont certainement pas conformes à la réalité», selon le Dr Boudarène, auteur de plusieurs articles médicaux sur le suicide, la toxicomanie, la harga…Pour lui, «les seuls éléments chiffrés constants semblent être le ratio hommes-femmes, soit 3 pour 1 et l'âge de la population concernée par le passage à l'acte suicidaire qui se situe pour tous les rapports entre 18 et 40 ans. Ces données sont conformes à celles qui sont rapportées à l'échelle internationale», affirme-t-il. Le mutisme observé chez les pouvoirs publics et l'absence de recherches et d'études en la matière a, en effet, laissé libre cours aux supputations et à un diagnostic aléatoire de la situation qui pourrait être bien plus grave qu'on ne le croit. Enfin, à la mémoire de toutes ces victimes de «la mort volontaire», Dr Boudarène écrit : «La bonne raison pour se suicider est la raison évidente et compréhensible au regard extérieur. Et la raison qui rend licite socialement le passage à l'acte est celle qui nous convainc que le concerné ne pouvait pas faire autrement.»