Résumé de la 1re partie n Le magicien, Marius Cazeneuve, propose au résident général d'agir sur la reine de Madagascar pour qu'elle soit favorable à la France... En cette fin du XIXe siècle, ce n'est pas l'affrontement armé entre les deux pays, mais la situation est tendue à l'extrême. La France et l'Angleterre s'appuient, l'une sur la reine Ranavalo, l'autre sur son Premier ministre Rainilaiarivony, qui est aussi son mari et que tout oppose. Autant la reine est douce et jolie, autant il est désagréable et autoritaire. Elle a vingt-trois ans, il en a soixante. Elle est passionnément pour les Français, il est farouchement pour les Anglais. Normalement, c'est elle qui décide, mais elle subit son influence et le laisse agir à sa place. La position de la France est de plus en plus compromise. Le résident général Le Myre de Vilers, qui n'a fait jusque-là qu'essuyer échec sur échec, accepte la proposition de Marius Cazeneuve, à condition qu'il vienne à ses frais. La chose est entendue et il débarque à Tamatave, le grand port de l'île, où il est accueilli par le lieutenant de vaisseau Buchard, collaborateur du résident général. L'illusionniste ressemble tout à fait à l'empereur Napoléon III : même petite taille, mêmes jambes courtes, même torse bombé et mêmes moustaches noires impeccablement entretenues. Le lieutenant de vaisseau l'accueille avec chaleur. — Si vous pouviez donner ici un échantillon de vos talents, cela impressionnerait les notables de la ville et la rumeur vous précéderait jusqu'à Tananarive. — C'est une excellente idée. Quand voulez-vous que cela se fasse ? — Chez moi, demain soir. Le moment venu, tout ce que Tamatave compte de personnalités est réuni dans le salon du lieutenant Buchard. Lorsque Marius Cazeneuve fait son apparition, un murmure désapprobateur accompagne son entrée : il a une barbe de plusieurs jours. Il s'aperçoit de la réaction de l'assistance et s'excuse : — Je vous demande pardon : j'ai oublié de me raser ce matin. Peut-être pourrait-on faire venir un barbier... On en appelle un. Celui-ci arrive avec son savon, son blaireau et son rasoir. Il se met à l'ouvrage. Lorsqu'il a terminé, il s'aperçoit que les poils ont repoussé sur la joue droite. Eberlué, il recommence. Il vient à bout de sa tâche, mais, cette fois, c'est la joue gauche qui devient barbue. Et ainsi de suite, à six reprises, sous les yeux de l'assistance sidérée. Après ce tour, qu'il est le seul à avoir jamais réalisé et dont il taira le secret, Marius Cazeneuve fait plus fort encore. Il fait venir son assistant, lui remet un immense cimeterre, comme on en voit dans les illustrations des Mille et Une Nuits, et lui demande ni plus ni moins de lui couper la tête. Après les rires qui avaient accompagné la séance de rasage, c'est un frisson d'angoisse qui se saisit de l'assistance. L'aide du prestidigitateur s'exécute. Chacun voit distinctement la tête sauter. Marius Cazeneuve s'en empare, la met sous son bras et parcourt : ainsi les rangs de son public. Après quoi, il demande à son adjoint de le coiffer d'un grand cône en carton blanc et réapparaît avec sa tête sur ses épaules. Inutile de dire que c'est un triomphe et qu'une réputation de véritable magicien le précède à Tananarive. Dès qu'il est arrivé dans la capitale de l'île, Marius Cazeneuve va trouver le résident général. Malheureusement, la situation n'est guère brillante. M. Le Myre de Vilers est dans un état proche de la fureur. (à suivre...)