Dans un passage, Ouspensky, même s'il parle d'états semi-oniriques, n'a aucun doute sur le rêve lucide. Comme chez ses devanciers, c'est la conscience de rêver, dans le rêve, qui fait la lucidité. Ce qui les distingue des autres rêves, c'est cette absence de conscience. Alors que dans les rêves courants, le dormeur subit le rêve, se laissant entraîner dans des situations et des faits qu'il ne contrôle pas dans le rêve lucide, il peut intervenir sur le cours des événements, leur donner la tournure qu'il veut, transformer un rêve désagréable en un rêve agréable, écarter le danger… Bref, il s'agit, en quelque sorte, de changer un cauchemar en un rêve paisible. Mais comme le souligne Ouspensky, même dans le rêve lucide, le rêveur n'arrive pas toujours à faire ce qu'il veut. «En fait, dans ces états semi-oniriques, je faisais tous les rêves qui me sont habituels avec la différence que j'en étais pleinement conscient : je pouvais voir et comprendre comment ces rêves étaient créés, de quoi ils étaient faits, quelle était leur origine et, de façon générale, déterminer ce qui était cause ou effet. De plus, j'étais en mesure d'exercer sur les rêves un certain contrôle. Je pouvais les créer et voir, en principe, ce que je désirais, bien que, sur ce dernier point, le succès ne fût pas toujours total. La plupart du temps, je me bornais à donner la première impulsion et les rêves se développaient ensuite selon leurs propres voies, me surprenant beaucoup, parfois, par les tours étranges et inattendus qu'ils leur arrivaient de prendre.»