Leçon n Ce qui s'est passé il y a quelques jours à Mostaganem avec les émeutes que l'on sait, déclenchées par les commerçants informels chassés de leur squat, doit nous inciter à plus de rigueur. D'abord dans le traitement de l'information, ensuite dans le regard que l'on peut porter sur des événements douloureux mais prévisibles et enfin dans le jugement hâtif que l'on se fait généralement d'une administration qui a souvent tort à nos yeux. Le cliché, hélas, est têtu. Cette fois, il faut bien l'admettre, elle était dans tous ses droits. Mieux, elle a fait preuve depuis des années de beaucoup d'indulgence et de mansuétude à l'égard des plus vulnérables. Mais pour bien comprendre ce qui a provoqué cette violence, il faut faire un bref retour en arrière et placer les choses dans leur véritable contexte. Au lendemain de l'indépendance, Mostaganem ne comptait, en tout et pour tout, que 70 000 âmes. C'est une cité prospère et cultivée. Elle vit de la pêche, de la vigne, du maraîchage et surtout de l'artisanat. Elle est tellement policée qu'une plaque à l'entrée de la ville invitait les visiteurs au silence et à la courtoisie. On adore le chaâbi, le théâtre de Kaki, les qacidate du lointain ancêtre Lakhdar Benkhelouf, poète et guerrier. On apprécie même la chanson sahraouie avec un autre chantre qui vit depuis deux décennies dans ses murs : cheikh Hamada. A partir de 1970, la donne change et l'histoire se précipite. Mostaganem plie littéralement sous la pression d'un exode massif, débridé et incontrôlé. On vient s'y installer de partout. Avec armes et bagages. Des frontières de la wilaya de Relizane, de Stidia, de Bouguirat, de Sirat, de Mesra, de Aïn Tedles et même de Sidi Ali, pas très loin de Ténès. Les premiers venus sont les premiers servis. De nombreux villageois se sédentarisent en louant un appartement, un haouch ou en achetant à la hâte, un terrain qu'ils viabilisent et construisent en bordure de la périphérie. Les mœurs commencent à changer légèrement, les coutumes aussi. Quelques fermiers très riches et souvent à la tête d'un capital foncier consistant, s'allient, par le biais de mariages, avec la bourgeoisie locale bien en vue. Le mixage commence. La deuxième vague de «migrants» n'a nulle part où se fixer. Tous les commerces sont pris et tous les appartements sont occupés. Et comme la nécessité fait souvent loi, ils jettent leur dévolu sur tous les espaces urbains libres du centre de la cité. Pas pour y demeurer, mais pour y travailler. Places publiques, esplanades, arcades et surtout trottoirs, tout est squatté et confisqué par les villageois qui proposent aux citadins pain de seigle, lait de vache, poterie, ustensiles en bois pour le couscous, étoffes et, bien sûr, de la friperie. Costumes déclassés et survêtements délavés sont accrochés à même les façades d'immeubles, chaussettes, bas et sous-vêtements jonchent le sol. Les marchands de DDT et de poudre anti-poux et anti-gale ne sont pas en reste. La foire est quotidienne. La tension des riverains aussi.