Différence n Contrairement à ce qui a été écrit par certains confrères, sans doute sous le coup de l'émotion, les émeutes de Mostaganem n'ont rien à voir avec celles d'Octobre 88. Elles n'ont pas non plus occasionné les dégâts prétendus «considérables» qu'on a voulu nous faire croire. Nous y étions. Chassés de leur squat au niveau des Trois-Ponts et de l'immeuble la Rotonde qu'ils ont pratiquement transformé en braderie, les commerçants parallèles qui voulaient manifester pacifiquement auprès des élus, ont été piégés par des casseurs qui ont confisqué leur marché pour en faire une tribune de confrontations avec les services de sécurité. Au cours de ces heurts qui ont fait une vingtaine de blessés dont deux parmi la police, des témoins oculaires affirment avoir vu des jeunes femmes se faire délester, sous la menace, de leur portable ou de leur chaîne en or. Même si force est restée à la loi dans la mesure où elle a réussi à faire exécuter le nouveau plan de circulation de la ville et à orienter les commerçants informels sur un autre site, que pense le citoyen Lambda de cette situation qui le met en porte-à-faux avec ses convictions les plus profondes à savoir que les «zawalis» ont, eux aussi, le droit de travailler ? Smaïl, un fonctionnaire du Trésor, ne mâche pas ses mots : « Ils ont dépassé les bornes. Plus l'administration fermait les yeux pour des raisons sociales, plus ils en rajoutaient. On ne pouvait plus marcher sur les trottoirs, ils ont tout squatté. Non seulement, ils ne paient pas de taxes, ils ne paient pas d'impôts, ils achètent leurs marchandises sans facture, ne paient pas de loyer et, en plus, font une concurrence déloyale aux commerçants qui ont pignon sur rue et qui, eux, s'acquittent de leurs charges. Ce n'est pas juste. De plus, ils ont énormément gêné la circulation. Les chauffeurs de taxi venant de Tigditt et qui se rendaient au centre-ville en ont vu de toutes les couleurs avec ces commerçants. Cela ne pouvait plus durer. Regardez maintenant comme c'est fluide, tout le monde respire.» Mostefa, un artisan, abonde, lui aussi, dans le même sens. «Quand j'entends dire qu'ils n'ont pas où aller pour exercer leur métier, ça me révolte et je dis que c'est faux. C'est de la démagogie. Il y a à Mostaganem de nombreux hangars fermés et dont les propriétaires ne demandent qu'à louer, il y a des garages également fermés et qui conviendraient parfaitement à leur activité. Ils veulent vivre gratuitement sans débourser un sou.» Une femme d'un certain âge et qui, apparemment, ne reconnaît plus sa ville, va droit au but. Il y a énormément d'amertume dans ses propos. « Il y a 22 villages qui entourent Mostaganem. Tous les matins à 7h des dizaines de cars et de taxis déversent les chômeurs de ces hameaux. Certains font des petits métiers pour survivre et d'autres s'incrustent sur les trottoirs pour vendre les articles sortis de leurs cabas. Peu leur importe de gêner la circulation, les piétons et les automobilistes, l'essentiel c'est qu'ils gagnent leur croûte. A 7h du soir, tout ce beau monde repart chez lui en empruntant les mêmes cars qui les ont ramenés. Et c'est à nous de nettoyer leurs ordures. C'est un comble !»