Interrogation Nos morts sont-ils condamnés à endurer ce dont beaucoup ont souffert de leur vivant : l?oubli ? Tombes en ruine envahies de mauvaises herbes, ordures provenant des HLM avoisinantes, grillages rouillés, plaques en marbre totalement ensevelies. Le constat est amer : nos cimetières sont dans un état déplorable. A El-Alia, à El-Kettar, à Garidi, à Ben Omar ou à Sidi Yahia, le visiteur sera grandement surpris que dans ces lieux sacrés, des personnes, sans scrupules, viennent, occasionnellement, déranger la quiétude des morts qui, dans leur profond sommeil, méritent un bien meilleur sort. Nos cimetières ont perdu leur vocation première, la seule, celle de lieu de repos éternel. Ils sont devenus des lieux où on fait du jogging ou du vélo, ou l?on fait couler jusqu?à la dernière goutte d?un JB entre amis où l?on fume des joints bien garnis loin des yeux des voisins du quartier. Ils sont devenus aussi des dépotoirs où l?on jette toutes sortes d?immondices. Le ministère des Affaires religieuses et des Waqfs, autorité de tutelle, mesure aujourd?hui l?ampleur des dégâts, mais ne sait plus à quel saint se vouer. «Le problème de la gestion des cimetières reste entier. On ne sait toujours pas qui est censé gérer ce patrimoine. Est-ce que c?est le ministère, l?organisme récemment créé ou les APC ? Franchement, il faut se poser la question, même si pour nous les choses sont simples : nous nous chargeons de répertorier les biens waqfs», s?est insurgé Kamel Guettal, chargé des waqfs à la direction de la wilaya d?Alger. Une histoire de prérogatives peut-elle, à elle seule, expliquer l?inexplicable ? Notre interlocuteur impute la faute de «l?état de décomposition» aux APC : «Nous, en tant que ministère, faut-il le répéter, nous nous chargeons du waqf. Un point c?est tout ! L?entretien des cimetières est du ressort des APC», affirme-t-il. Le plus insupportable a été atteint par nos cimetières. Comment qualifier des m?urs qui n'ont pour les morts aucun respect ? Faut-il y voir la manifestation d'un manque de civisme ou carrément point de civisme ? Les choses n?ont pas bougé d?un iota. Les consciences sont, aujourd?hui, révoltées, alors que responsables, élus et citoyens ne paraissent pas devoir s'en émouvoir. Les cruelles histoires de profanation durant les années noires du terrorisme dans les cimetières musulmans, chrétiens et juifs, remontent, de la sorte, douloureusement à la surface. Si le bon sens ne suffisait pas, il serait donc plus commode de changer de nom et ne plus parler de cimetière, mais de dépotoir.