De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali «Dans d'autres pays, les parents d'un malade n'ont pas le droit d'intervenir dès lors que le patient est admis dans un hôpital ; c'est à l'établissement hospitalier de répondre à tous ses besoins. En Algérie, les parents doivent tout prévoir, de la literie jusqu'aux médicaments, en passant par la restauration et les analyses. Autrement, le malade est assuré de vivre un véritable enfer.» Ce postulat, tous les habitués du Centre hospitalo-universitaire d'Oran le font, aussi bien les médecins, infirmiers, malades ou parents de malades : «Si tu ne connais personne au CHU, tu es foutu, sinon, il faut glisser quelques billets, comme partout ailleurs en Algérie !» affirme une infirmière exerçant depuis environ 20 ans. Analyses erronées Notre témoin en veut pour preuve le fait que les malades soient contraints d'acheter eux-mêmes leurs médicaments alors que «certains sont disponibles en pharmacie. Si tu connais quelqu'un, tu peux récupérer une partie de l'ordonnance. Sinon, tu es obligé de tout acheter toi-même et Dieu sait que ce n'est pas donné.» C'est ainsi que les pharmacies se trouvant à la périphérie du CHU d'Oran ne désemplissent pratiquement jamais : «Tout comme les laboratoires d'analyses. Le CHU dispose des moyens nécessaires pour effectuer la majorité des analyses que les services de santé prescrivent aux malades. Pourtant, ceux-ci sont contraints de recourir aux laboratoires privés parce que les résultats des analyses effectuées par l'hôpital sont erronés ou ont été égarés…» Une malade, hospitalisée pendant un peu plus de deux semaines, en a fait l'amère expérience : «J'ai dû débourser 3 500 dinars pour des analyses [chez le privé]) parce que les résultats de celles faites au CHO étaient faux. Heureusement, je n'ai pas payé tous les médicaments parce j'ai pu avoir la moitié du traitement médical grâce à des connaissances. Je considère que j'ai de la chance que mon état n'ait pas nécessité des analyses plus poussées [IRM, scanner, écographie…]), je ne sais pas si j'aurais pu les assurer.» Malgré tout, cette femme s'estime lésée parce que «la loi prévoit que tout malade doit être entièrement pris en charge par l'établissement sanitaire. Des souris dans la maternité En 2005, alors qu'il était encore à la tête de la direction générale du CHU, le professeur Abderrahmane Attar avait fait état de «graves dysfonctionnements, une gestion catastrophique, 110 milliards de dettes, un personnel qui n'hésite pas à ‘piquer' dans les cuisines, des salariés qui touchent leur rémunération sans contrepartie aucune, d'importants prêts accordés aux travailleurs [de 100 000 à 600 000 DA] non encore remboursés, des détournements de malades et de médecins vers le secteur privé [...]» Le DG n'avait pas hésité à pointer du doigt un groupe de professeurs qui considéraient le CHU «comme leur propriété et n'agissaient que dans leur seul intérêt». Trois années plus tard, cette situation, très peu reluisante, ne semble pas avoir changé : «Au cours de mon hospitalisation à la maternité du CHU, raconte une malade, j'ai passé plusieurs nuits à chasser les cafards. J'ai même dû demander à mon mari de m'acheter de la colle pour piéger une souris. Vous imaginez, il y avait une souris dans notre salle !! Pis, j'ai vu de mes yeux un rat dans le bloc opératoire quand j'ai accouché !! C'est hallucinant !!» Et pourtant vrai ! De là à penser qu'il y a une volonté d'étouffer le secteur public au profit du privé, il n'y a qu'un pas que beaucoup n'ont pas hésité à franchir : «Un certain nombre de médecins exerçant au CHU offrent leurs services aux cliniques privées qui payent beaucoup mieux, explique-t-on dans l'entourage de l'hôpital. Il est normal que ces médecins s'arrangent pour faire admettre les malades chez le privé et augmenter ainsi leurs commissions.» Aujourd'hui, comme hier, la gestion et les prestations du CHU d'Oran - qui, rappelons-le, bénéficie du plus gros budget sur le territoire national (350 milliards par an) - sont extrêmement controversées auprès d'une population qui ne comprend pas que les responsables du ministère de la Santé laissent perdurer une situation aussi catastrophique.